Risques de l'Accord Mercosur pour les consommateurs
Suite et 4ème partie de l'article "Le grand mechant Mercosur"
Vache, traçabilité
Photographe: Jan van de Vel, Communautés européennes, 2002
Au dela de la concurrence déloyale qui affecte les producteurs, ce sont aussi les risques pour la sécurité alimentaire qui sont pointés par les opposants à l’Accord. Ce qui permet d’enrôler les consommateurs dans la contestation du Mercosur.
En réponse à ces critiques, les promoteurs de l’Accord rappellent que celui-ci impose le respect des normes environnementales et sanitaires et celui du principe de précaution. La clause de sauvegarde permet d’interdire des produits qui violent les règles européennes (ex : viande aux hormones) mais aussi d’interdire les importations temporairement les importations en cas d’apparition de difficultés sur le marché européen pour protéger les secteurs en difficulté.
Mais la rédaction de cette clause est critiquée car elle ne définit pas de conditions assez précises ce qui pourrait lieu à des litiges et à des mesures de rétorsion en cas de rétablissement des droits de douane comme elle le permet.
La Commission européenne s'est également engagée à adopter des mesures financières d'accompagnement pour le secteur agricole européen (potentiellement jusqu'à un milliard d'euros). Mais en janvier 2024, ce sont des clauses miroirs qui ont été réclamées par la France pour faire face à la colère des agriculteurs : l’idée est d’imposer des normes identiques pour les produits échangés. Quelle différence avec les mesures déjà prévues si, comme on l’a vu, les produits du Mercosur doivent respecter les normes européennes pour être importées dans l’Union européenne ? Quoiqu’il en soit, l’Accord ne comprend pas de clauses miroirs.
Sur le plan de l’environnement, l’UE aura la possibilité de suspendre totalement ou en partie le partenariat commercial avec le Mercosur dans le cas où un pays ne respecterait pas les engagements de l’accord de Paris sur le climat (qui figure dans les clauses essentielles de l’Accord). L’Accord comprend aussi un engagement qui contraint les Etats à lutter contre la déforestation.
Malgré ces avancées de dernière heure, le texte final de l’Accord (tel qu’approuvé le 6 décembre) n’échappe pas à la contestation. Pour une analyse critique et argumentée voir l’article : Ce qu’il faut retenir de l’accord final UE Mercosur, Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou, 12 décembre 2024). Parmi les critiques : la clause essentielle ne couvre que les cas dans lesquels une partie sortirait de l’Accord de Paris. L’engagement d’arrêter la déforestation après 2030 est jugé flou et peu contraignant. Les clauses ajoutées à la demande de l’UE ne garantiraient pas assez le respect des normes sanitaires et environnementales car un mécanisme de règlement des différends entre Etats permettrait d’en réduire considérablement la portée.
Il s’agit là d’interprétations de l’Accord qui, comme tout texte juridique ouvre la porte à des lectures différentes.
Il nous semble que le vrai problème est, plutôt, celui du contrôle du respect de ces normes. Ce qui implique notamment une traçabilité rigoureuse. Ce qui, dans la pratique, n’est pas le cas, si l’on en croit les études de l’Institut de l’Elevage et du Senat déjà évoquées. Le Brésil notamment est pointé du doigt. Récemment, des défaillances dans le contrôle qualité et la traçabilité de viande de génisse ont été révélées par un audit européen ce qui a obligé le Brésil à suspendre ses exportations vers l’UE. (Viande contaminée aux hormones : des défaillances dans la traçabilité des exportations brésiliennes vers l’UE, Le Figaro avec AFP,12/11/2024). Pour les uns, c’est une affaire gravissime car les consommateurs européens ont peut-être consommé de la viande aux hormones frauduleusement importée depuis des années. Pour les autres, c’est la preuve, au contraire, que les contrôles fonctionnent. Avec un bemol : les contrôles se basent sur des échantillons évidemment : il n’est pas possible de tout contrôler. Et, une fois, les fraudes détectées, encore faut-il agir rapidement ce que la lourdeur des procédures communautaires ne permet pas toujours.
En fin de compte, l’Accord Mercosur est certainement un bon accord pour de nombreux secteurs économiques de l’UE et de ses membres. Même s’il est une menace potentielle pour un pan de notre agriculture. Pour que le résultat soit positif il faut : des contrôles fréquents et rigoureux aux frontières de l’UE et un étiquetage de l'origine des produits alimentaires permettant aux consommateurs d’exercer leur vigilance et de choisir en connaissance de cause. La même remarque s’applique aux engagements concernant l’environnement, le climat, la lutte contre la déforestation.
De manière plus globale et moins franco-française on devrait se réjouir que l’UE, grâce à cet Accord, contrecarre l’influence de la Chine dans cette zone du monde et puisse y faire prévaloir le respect de normes environnementales, et sociales conformes aux prescriptions de l’Organisation Internationale du Travail.
A suivre: La France pourrait-elle faire capoter l'Accord Mercosur?
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