La France pourrait-elle faire capoter l'Accord du Mercosur?
Suite et 5ème partie de l'article "Le grand méchant Mercosur"
Une séance dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale - © Assemblée nationale
Il reste une question : la France pourrait-elle faire capoter l’Accord du Mersosur?
Cet Accord comporte un volet commercial et un volet organisant une coopération et un dialogue politique. Il est considéré comme mixte c’est-à-dire qu’il ne relève pas de la compétence exclusive de l’Union européenne mais aussi de celle des Etats (Voir : les accords internationaux et les compétences externes de l’Union européenne, 08/04/2020). Il faut donc que, non seulement les institutions de l’UE le ratifient mais également celles des Etats selon les procédures constitutionnelles nationales. Pour contourner la lourdeur et la difficulté de ces procédures, la Commission européenne propose de séparer la partie politique (qui seule serait soumise à la double ratification communautaire et nationale) et la partie consacrée aux échanges commerciaux. Ainsi le volet libre échange serait plus facilement adopté. Mais la mise hors jeu des parlements nationaux serait très mal vécue dans les quelques pays opposés à l’Accord.
Dans l’hypothèse où la scission de l’Accord serait faite, le volet commercial pourrait être adopté à la majorité qualifiée au Conseil. En principe, cette procédure n’est pas appliquée en cette matière, le consensus étant préféré. Mais si elle l’était, la France pourrait être isolée, ce qui serait politiquement catastrophique et aurait des conséquences certainement négatives dans la population. A moins qu’elle ne rallie assez d’états pour constituer une minorité de blocage.
Le Parlement européen doit lui aussi adopter l’Accord, à la majorité. Comme au Conseil, la France ne se trouve pas en position de force.
Actuellement, il existe des divisions entre les états membres. Certains sont résolument favorables à l’Accord : Allemagne, Espagne, Lettonie, Suède.
D’autres sont plus réservés : Autriche, Pays Bas, Luxembourg qui attendaient le texte final pour se prononcer.
D’autres sont opposés : France, Pologne.
Tout dépendra de la capacité des convaincus à convaincre les moins résolus. La France avertit par la voix de la ministre de l’agriculture d’alors Annie Genevard : » il ne faut pas jeter l’allumette dans le baril de poudre ». L’explosion qui en résulterait provoquerait une fracture entre Berlaymont (siège de la Commission européenne) et les campagnes françaises.
Les étapes à venir :
Le texte de l’accord, après avoir été vérifié par des juristes et traduit dans toutes les langues de l’Union fait l'objet d'une proposition transmise par la Commission au Conseil et au Parlement pour signature et conclusion. Cette proposition peut prendre différentes formes selon la base juridique choisie : un accord mixte qui requiert l’approbation de l’Union et de tous les États membres avant d’entrer en vigueur ou deux accords distincts, l’un mixte (approbation de l’Union et de tous les États membres) et l’autre ne relevant que de la compétence exclusive de l’Union (nécessitant uniquement une ratification de la part de l’Union).
C'est au Conseil de l'UE qu'il revient de se prononcer sur cette base juridique et donc sur la procédure d’adoption de l’accord.
Cela n'a pas encore été fait.
Pour aller plus loin : les textes
EU-Mercosur: Text of the agreement (en anglais avec possibilité de traduction automatique)
Synthèse de l’Accord « Acuerdo MERCOSUR-Unión Europea », Ministère des affaires étrangères de l’Uruguay, 06/12/2024 (en espagnol)
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