Des éleveurs contre l'Accord Mercosur
Suite et 3ème partie de l'article "Le grand mechant Mercosur"
Manifestation d'agriculteurs à Bruxelles
Photographe: Bogdan Hoyaux - Union européenne, 2024
Alors, pourquoi tant de critiques à l'Accord avec le Mercosur?
Il existe plusieurs pierres d’achoppement mais le sort réservé à l’agriculture est la principale d’entre elles.
Les syndicats agricoles qui manifestent actuellement refusent que l’agriculture soit la variable d’ajustement et soit sacrifiée sur l’autel de l’industrie et notamment de l’industrie automobile (clin d’œil ironique à l’Allemagne).
Est-ce vrai ?
Non. Du moins pas en partie.
Car certains secteurs agricoles (et notamment français) vont bénéficier du Mercosur. C’est le cas des vins et alcools (actuellement taxés jusqu’à 35%), des boissons non alcoolisées (35%), des fromages (taxés à 28% aujourd’hui), de l’huile d’olive (10%), du chocolat (20%).
De plus, le Mercosur comporte des règles sur les Appellations d’Origine Protégées (AOP): 350 sont listées dont 60 françaises. Il sera interdit de commercialiser de faux champagne, ou de faux roquefort sous ces appellations.
(Source : page de la Commission européenne dédiée au Mercosur).
Le secteur de l’élevage est cependant opposé au Mercosur. La filière bovine notamment est vent debout contre cet Accord, dénonçant une concurrence accrue et déloyale.
En ce qui concerne le premier point, ce sont 99 000 tonnes de bœuf qui seront importées annuellement dans l’Union européenne en provenance du Mercosur. Cette quantité représente 1,6% de la production totale de viande bovine de l’UE et la moitié de ce que l’Union importe actuellement (196 000 tonnes en 2023) ! Pour les volailles, autre secteur sensible, le contingent est de 188 000 tonnes soit 1,4% de la production totale de l’UE. Pour la viande porcine, la quantité est de 125 000 tonnes (0,5% de la production de l’Union). Il n’y a donc pas de déferlante de la viande en provenance du Mercosur : l’argument de la concurrence accrue parait bien fallacieux.
En revanche celui de la concurrence déloyale parait plus solide dans la mesure où les normes de production agricole s’appliquant dans les pays du Mercosur en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal ne sont pas les même que celles, plus exigeantes, de l’UE.
Dans un article publié sur son site il y a quelques jours, l’Institut de l'Elevage dénonce les risques pour la filière bovine européenne en mettant l’accent sur des conditions de production très différentes. Qu’il s’agisse de l’usage d’antibiotiques comme activateurs de croissance et d’hormones, de la traçabilité, du bien-être animal, de l’utilisation de pesticides interdits dans l’UE, les règles applicables dans les pays du Mercosur sont en général moins disantes que celles de l’Union nous rappelle cet article, exemples à l’appui. De façon évidente, « ces différences de règlementation, associées à des normes sociales et un coût du travail largement inférieurs à celui de l’UE accentuent le différentiel de compétitivité entre les viandes du Mercosur et les viandes européennes ». De telle sorte que « les coûts de production en élevages de bovins viande du Mercosur étaient inférieurs en moyenne de 40% à ceux des élevages européens et même de près de 60% pour les fermes brésiliennes d’après les données du réseau Agribenchmark ». Enfin, l’importation supplémentaire de viande bovine originaire du Mercosur pourrait également accélérer la déforestation (la déforestation supplémentaire sur 5 ans « pourrait s’élever de 620 000 hectares à 1,35 million d’hectares, dans le scénario le plus pessimiste »).
L’Institut dénonce également la communication de la Commission européenne en soulignant que les contingents présentés comme « limités » s’ajouteront à tous ceux qui sont déjà autorisés par les autres accords de libre-échange qui lient la France ou l’Union européenne. Par ailleurs, s’agissant de l’aloyau, le cumul des importations actuelles avec les potentielles ouvertures, conduirait à importer 1,3 fois la production à haute valeur ajoutée issue du cheptel européen de race à viande.
Ces critiques sont relayées avec une quasi unanimité par la classe politique française et les institutions : Gouvernement et Parlement unis pour affirmer leur opposition au Mercosur (voir par exemple la proposition de Résolution du Senat relative aux négociations de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, du 29/10/2024 ou encore le débat du 26/11/2024 à l’Assemblée Nationale).
Suite: Risques de l'Accord Mercosur pour les consommateurs