Contenu de la réforme de la politique européenne de gestion de l'asile
Centre d'aide aux migrants - 29/03/2017
Photographer: Dominique HOMMEL
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Le vote du Conseil de l'Union européenne sur la réforme des règles de gestion de l'asile et de la migration dans l'UE est une étape importante dans la reforme de cette politique qui fait l'objet du pacte pour l'asile et la migration proposé en 2020 pour modifier des règles inefficaces. Mais beaucoup reste à faire car cette réforme est controversée.
Mêmes règles pour tous les Etats et partage des responsabilités
Une procédure commune à l'ensemble de l'Union Européenne est instaurée. Elle doit permettre de réduire la durée totale de la procédure d'asile et de retour à 6 mois.
Les États membres doivent la suivre lorsque des personnes demandent une protection internationale. Cela concerne par exemple, la durée de la procédure, et les droits des demandeurs d'asile comme le droit à une assistance juridique et à une représentation.
Des procédures à la frontière obligatoires sont établies afin de faire une évaluation plus rapide de la recevabilité des demandes qui permettra de traiter celles ayant peu de chances d’aboutir. En d’autres termes, il s’agit de généraliser la technique « hotspot » (points d’enregistrement) mise en œuvre par l’UE en Grèce et en Italie, afin d’organiser la sélection des personnes qu’elle souhaite accueillir et l’expulsion, depuis la frontière, de toutes les autres. Ce filtrage s’applique quand un demandeur d'asile présente une demande à un point de passage à la frontière extérieure, à la suite d'une arrestation à l'occasion d'un franchissement illégal de la frontière, ou encore après un débarquement faisant suite à des opérations de recherche et de sauvetage. Pendant la procédure à la frontière, les personnes sont considérées comme n’étant pas encore entrées sur le territoire européen, et sont placées dans des centres fermés. Au niveau de l’UE il est prévu 30 000 places mais ce chiffre pourra être corrigé sur la base d'une formule qui tient compte du nombre de franchissements irréguliers des frontières et de refus d'entrée sur une période de trois ans. Selon les estimations, il serait possible de traiter jusqu’à 120 000 demandes par an.
Un mécanisme de solidarité entre Etats est prévu afin de soulager les pays aux « avant-postes » de l’Union Européenne, ceux qui ont déjà, par leur situation géographique, la charge du contrôle des frontières extérieures de l’UE. Ce mécanisme répartit les demandeurs d’asile entre les Etats. Au moins 30.000 demandeurs d’asile feront l’objet d’une relocalisation dans d’autres pays de l’UE chaque année. La France pourrait en recevoir 4000, l’Allemagne plus (Anne Rovan, « Accord des États membres sur le pacte migration et asile », le Figaro, 8 juin 2023). La répartition sera définie tous les ans. Les États membres qui refuseront de prendre leur quota de demandes d’asile réparties devront verser une compensation financière de 20 000 euros par demande de traitement refusée. L’argent sera réparti entre les pays traitant les demandes supplémentaires.
Les obligations des Etats découlant du règlement de Dublin sont allégées. Par exemple, la procédure actuelle qui vise à transférer à nouveau un demandeur vers l'État membre responsable de sa demande (reprise en charge) sera remplacée par une simple notification.
Des mesures sont aussi prévues pour éviter les abus par les demandeurs d'asile et éviter les mouvements secondaires (quand un migrant se déplace du pays dans lequel il est arrivé initialement pour demander une protection ou une réinstallation permanente ailleurs).
Critiques aux nouvelles règles
Des pays membres sont opposés à la réforme. Le vote au Conseil a eu lieu à la majorité qualifiée. La Hongrie et la Pologne ont voté contre. Mais d’autres pays se sont abstenus comme la Bulgarie, la République tchèque, Malte, la Lituanie et la Slovaquie (Jorge Liboreiro, Une partie de l’UE salue l’accord migratoire entre les 27, la Hongrie évoque un texte "inacceptable", Euronews, 9 juin 2023). La Hongrie et la Pologne refusent la relocalisation.
Mais au Parlement européen, qui doit également voter les textes pour qu’ils soient adoptés, le vote n’ira pas sans difficulté car il va falloir trouver un compromis entre des forces politiques pour lesquelles le sujet est très clivant (voir le tableau des forces politiques au Parlement européen).
Pour une organisation comme la CIMADE, qui œuvre pour la protection des migrants, des réfugiés et autres personnes déplacées, « les mesures proposées s’inscrivent dans la continuité des logiques déjà largement éprouvées. Elles sont fondées sur une approche répressive et sécuritaire au service de l’endiguement et des expulsions des personnes en migration ».
Parmi les questions posées par la CIMADE : quel sort pour les déboutés ? Les Etats ne se sont pas mis d’accord sur ce point. Certains veulent des renvois vers des pays tiers estimés sûrs, même en l’absence de liens de la personne avec ces pays. D’autres rappellent que le droit international exige qu’il y ait une attache. Les accords de réadmission avec les états d’origine n’échappent pas non plus à la critique, dans la mesure où l’aide au développement peut être conditionnée a la politique de réadmission.
Les critères pour reconnaitre le statut de réfugié sont également mis en cause. Par exemple, le règlement permet l’application du filtrage rapide aux frontières pour les personnes qui ont une nationalité qui la plupart du temps ne permet pas une protection internationale (« taux de reconnaissance de la nationalité du demandeur est inférieur à 20 % »). Cette « pratique discriminatoire de profilage par nationalité » est dénoncée comme étant contraire à l’article 3 de la Convention de Genève qui interdit la discrimination fondée sur le pays d’origine dans le traitement des demandes d’asile.
Autre source de contestation de la réforme : l’enfermement des demandeurs d’asile dans des installations frontalières (« généralisant une procédure d’asile en détention administrative »). Question également controversée au Parlement européen.
Devant la difficulté de la négociation un trilogue réunissant les trois principales institutions communautaires (Conseil, Parlement européen, Commission) est prévu pour aplanir les difficultés. Si l’accord intervient, le vote par le Parlement ne sera qu’une formalité. Une date butoir a été fixée pour l’adoption de la réforme : mai 2024.
Voir aussi : 1ere partie de l'article |
Accord sur la reforme de la politique d'asile de l'Union européenne |