Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Une histoire en mouvement: étapes et évolutions

 

1 - LE SYSTEME INITIAL

L'ambition de construire une "union sans cesse plus étroite entre les peuples européens" a pris une nouvelle dimension au sortir de la seconde guerre mondiale qui a vu le continent européen se déchirer .D'où la création d'organisations regroupant les états:Conseil de l'Europe en 1949,mais surtout les Communautés Européennes. Ces dernières se distinguent des autres organisations internationales "classiques" (ONU,par exemple) par certains éléments de supranationalité ,avec des transferts de souveraineté (c'est-à-dire de pouvoir autonome de décision) des états membres aux institutions communes, ce qui se manifeste notamment dans les règles de procédure décisionnelle (recul progressif de la règle de la décision à l'unanimité des états au profit de la décision à la majorité qualifiée),et dans l'élaboration d'un droit communautaire directement applicable dans les états membres.

Les Communautés européennes qui voient le jour dans les années cinquante sont au nombre de trois:La Communauté Economique du Charbon et de l'Acier (CECA) créée en 1951,suivie,en 1957,par l'Euratom (ou CEEA) et surtout la Communauté Economique Européenne (CEE),qui par son objet plus large deviendra la source principale du droit communautaire et emblématique de la construction communautaire.

L'article 2 du Traité signé à Rome assigne cinq objectifs principaux à la CEE:
         -promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté
         -garantir une expansion continue et équilibrée -assurer une stabilité accrue
         -permettre un relèvement rapide du niveau de vie
         -instaurer des relations plus étroites entre les états membres
A cette fin ,il est prévu de mettre en oeuvre un marché commun et de rapprocher les politiques économiques des états.

……

2 - UNE AVANCEE QUALITATIVE LE TRAITE DE MAASTRICHT

Les objectifs d'origine sont redéfinis dans le nouvel article 2 résultant du traité sur l'Union Européenne signé à Maastricht le 7 février 1992.Si les objectifs 1 et 2 de la version antérieure sont formulés de façon quasi identique ,la nouvelle rédaction évoque une croissance durable et non inflationniste respectant l'environnement ,un haut degré de convergence des performances économiques ,un niveau d'emploi et de protection sociale élevée ,le relèvement du niveau de vie et la qualité de la vie ,la cohésion économique et sociale ,la solidarité entre les états membres .

Les moyens pour atteindre ces objectifs sont également renforcés .Le Traité prévoit ,outre le marché commun ,une Union économique et monétaire (UEM),dont la réalisation la plus remarquable est la mise en place d'une monnaie unique (l'euro) ainsi que la mise en oeuvre de politiques communes dans des domaines divers. La Communauté économique européenne prend d'ailleurs le nom de "Communauté européenne",ce qui manifeste clairement la volonté des états de dépasser la vocation économique,"marchande" de la construction communautaire pour tendre vers une Europe unie sur les terrains politique ,social ,culturel (l'émergence de la notion de "citoyenneté européenne" en est une illustration).

La nouvelle Union résultant du traité de Maastricht repose sur trois éléments appelés "piliers":
        
-Le premier pilier correspond au système mis en place par les traités originels de Rome et de Paris et leurs révisions successives:la Communauté Européenne ,l'Euratom et la CECA.Différents amendements et ajouts renforcent et diversifient les compétences communautaires et réforment le processus décisionnel .Le principe dit de " subsidiarité " permet théoriquement de départager les compétences communautaire et étatiques en postulant que la Communauté a vocation à intervenir lorsque les objectifs d'une action ne peuvent être atteints de façon satisfaisante par les états .La compétence communautaire doit ainsi être non pas substituée à celle des états mais la compléter. Les Communautés qui composent le premier pilier constituent trois personnalités juridiques distinctes (avec des institutions communes depuis la fusion opérée en 1965 :la Commission ,le Conseil et le Parlement Européen ).L'Union Européenne, en tant que telle, n'a pas d'existence juridique.
         -Le second pilier est constitué par la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) .
        -Le troisième pilier est un apport du traité sur l'Union qui établit une coopération inter-étatique renforcée dans les domaines judiciaire, policier et douanier:il s'agit de la "JAI": justice et affaires intérieures.

Contrairement au premier pilier ,les deuxième et troisième piliers fonctionnent sur une base intergouvernementale:les états se limitent à coopérer et ne transfèrent pas leur souveraineté aux institutions communes en la matière .Par conséquent ,les procédures décisionnelles ne permettent pas d'associer le Parlement Européen à l'élaboration des textes et reposent sur le vote à l'unanimité des états ,à quelques exceptions près (mise en œuvre des actions communes décidées par le Conseil ,dans le cadre de la PESC).

         Le choix de cette structure "à piliers" a fait l'objet de nombreuses critiques ,notamment en raison du manque de lisibilité accrue qu'elle induit .Comment ,en effet ,éviter la confusion dans l'opinion entre l'"Union" (représentée par la présidence du Conseil) compétente dans certains domaines et la "Communauté" (représentée par la Commission),compétente dans d'autres. A ce reproche s'en ajoute un autre ,lié au dilemne sur la nature de la construction communautaire, qui est le fait de voir des matières telles que la PESC et la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures échapper aux procédures décisionnelles de droit commun et au contrôle du Parlement européen.

3 - LA DIFFICILE REFORME INSTITUTIONNELLE LES TRAITES DAMSTERDAM ET DE NICE

Dans la perspective du futur élargissement de l'Union Européenne à de nouveaux états dont notamment, les états d'Europe centrale, la question du fonctionnement du système devient cruciale. Les règles actuelles peuvent-elles être maintenues dans une " grande Europe " comptant le double des membres actuels sans risque de paralysie ?

Prenons un exemple emblématique des difficultés à résoudre ,celui de la procédure décisionnelle au sein du Conseil .Dans des matières considérées comme sensibles (ex : révision des traités ,harmonisation des fiscalités nationales…) ,la règle est qu'un texte doit obtenir l'unanimité des états membres pour être adopté. On conçoit sans mal que les risques de blocage s'accroissent avec l'augmentation du nombre des états .Par ailleurs ,une des spécificités de la construction communautaire est de permettre de prendre des décisions à la majorité qualifiée des états membres (et plus rarement, à la majorité simple) et non exclusivement à l'unanimité qui est la seule règle dans les organisations internationales " classiques ". Au fil de réformes successives, la règle du vote à la majorité qualifiée a gagné du terrain. Elle manifeste ainsi la volonté de dépasser la simple coopération inter-étatique pour conduire à une véritable intégration, puisque dans ce système, un état qui n'a pas voté une décision est tout de même tenu de l'appliquer.

La majorité qualifiée est déterminée grâce à un système de pondération des voix au sein du Conseil de l'Union européenne, composé des ministres européens, où chaque Etat se voit attribuer un nombre de voix en fonction de sa population .Les " grands " états bénéficient d'un nombre de voix plus important que les " petits " états et pèsent donc plus dans la décision .Mais il n'y a pas équivalence des droits de vote (46%) conférés par cette pondération et du poids démographique (70% de la population de l'Union).Actuellement ,les " grands " états (Allemagne, France , Italie ,Royaume-Uni) ne peuvent à eux quatre imposer une décision. Inversement ,un ou deux grands états peuvent se voir imposer une décision votée par une " coalition " de petits et de grands états. Sur ce point également, la perspective des futures adhésions pose la question de la réévaluation des pondérations.

Une réforme d'envergure propre à relever ce qu'il est aujourd'hui usuel d'appeler " le défi de l'élargissement " était donc programmée dès la conférence intergouvernementale qui devait conduire au traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997.Mais pas plus le Traité d'Amsterdam que le Traité de Nice du 26 février 2001 ne sont parvenus ,malgré des avancées ,à régler toutes les questions en suspens, faute, semble-t-il, d'une vision commune de l'avenir de la construction européenne .Tel sera l'objet d'une prochaine conférence intergouvernementale prévue pour 2004.Entre autres questions, la Conférence devra examiner les points suivants : délimitation plus précise des compétences entre l'Union et les Etats membres ; statut de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; simplification des traités, afin qu'ils soient plus clairs et mieux compris sans en changer le sens ; rôle des Parlements nationaux dans l'architecture européenne.

Traité d'Amsterdam

La structure en piliers est confortée et les objectifs généraux de l'Union sont élargis (notamment à la promotion de l'emploi qui devient une question d'intérêt commun). Le Traité renforce également les droits des ressortissants communautaires (avec ,par exemple ,une meilleure protection des droits fondamentaux). De nouveaux domaines entrent dans la compétence de la Communauté Européenne ,dont certaines matières qui faisaient antérieurement partie du pilier " Justice et Affaires Intérieures " (libre circulation des personnes, contrôle des frontières extérieures ,asile ,immigration et protection des droits des ressortissants des pays tiers ,coopération judiciaire en matière civile) ou encore la politique sociale qui devient une politique communautaire (réglementation du travail ,lutte contre l'exclusion…).Dans le cadre de l'objectif de la création d'un " espace de liberté ,de sécurité et de justice " voulu par le traité ,la Convention de Schengen, qui permet la libre circulation des personnes sans contrôle aux frontières et organise la coopération policière entre 10 pays est intégrée dans le nouveau traité et s'applique donc à tous les pays de l'Union européenne (avec des conditions particulières pour le Royaume-Uni ,l'Irlande et le Danemark).

La réforme institutionnelle ne répond pas aux ambitions initiales puisqu'elle se traduit essentiellement par un développement des procédures existantes :extension de la procédure de codécision et du vote à la majorité qualifiée au Conseil. L'innovation la plus marquante est le concept d'intégration différenciée au terme de laquelle les états membres souhaitant aller plus loin dans la voie de la coopération ont la possibilité d'instaurer entre eux une " coopération renforcée " ,ce qui semble ouvrir la voie d'une Europe à plusieurs vitesses.

Traité de Nice

A l'instar du traité d'Amsterdam, le traité de Nice laisse une impression d'inachèvement
                - Les apports les plus marquants de cette nouvelle révision concernent les aspects institutionnels. C'est ainsi que les règles du vote à la majorité qualifiée au Conseil sont modifiées (la modification devant intervenir à partir du 1er janvier 2005). La pondération des voix est revue et le vote à la majorité qualifiée au Conseil est étendu à une trentaine de dispositions nouvelles (ex : politique commerciale commune dont accords commerciaux relatifs aux services et à la propriété intellectuelle, coopération judiciaire civile, politique de cohésion économique et sociale ...)
                
- La composition et le fonctionnement des principales institutions ,Parlement Européen ,Cour de Justice des Communautés Européennes Commission, sont remaniés. Le nombre des membres de celle-ci est plafonné. Actuellement ,la Commission compte deux commissaires par " grand " état ,un par " petit " état soit 20 commissaires depuis 1995.Dans la perspective de l'élargissement ,ce nombre passerait à 35 ce qui paralyserait le fonctionnement de la Commission .Il a été décidé à Nice de mettre en place un plafonnement du nombre de commissaires dès que l'Union comptera 27 états membres. Les pouvoirs du Président de la Commission ont été ,par ailleurs ,renforcés et sa désignation modifiée (choisi à la majorité qualifiée des états membres après approbation du Parlement Européen).
                - Poursuivant dans la voie ouverte par le traité d'Amsterdam, le traité de Nice assouplit les conditions de mise en œuvre de coopérations renforcées, en baissant à 8 le nombre minimal d'états requis pour que cette coopération voit le jour et en supprimant le droit de veto qui permettait à tout état de s'opposer à une coopération renforcée, même s'il ne souhaitait pas lui-même en faire partie.

 

Annexe : de Maastricht à Nice

 

Traité de Maastricht

-Citoyenneté européenne conférant aux ressortissants communautaires de nouveaux droits

-Union Economique et Monétaire:libre circulation des capitaux,coordination des politiques économiques nationales,création d'une monnaie unique et d'une banque centrale européenne

-Nouvelles compétences pour la Communauté: dans des domaines tels que l'éducation, la formation professionnelle,la santé publique,la protection des consommateurs,les réseaux transeuropéens,la politique so- ciale (par protocole social an- nexé au traité)

-Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC)

-Affaires intérieures et justice (JAI) (asile, visas,coopération en matière pénale et civile, création d'Europol...)

Traité d'Amsterdam

-L'emploi devient un objectif de la Communauté;parallèlele ment,la politique sociale prend rang de politique commune
-Renforcement de la protection des droits fondamentaux

-Possibilité de coopérations renforcées
-Le contrôle de l'immigration, les visas,le droit d'asile,la coopération judiciaire en matière civile passent du 3ème au 1er pilier
-Intégration de la Convention de Schengen

-Réforme institutionnelle en vue de l'élargissement: ébauche de réforme (procédure décisionnelle:rôle accru du Parlement par la co(décision)

-PESC: nouveaux instruments +création d'un "Haut Représentant pour la PESC"

-Certaines matières de la JAI sont transférées à la Communauté Européenne (voir supr

Traité de Nice

-Droits fondamentaux: dispositif de prévention de violation des droits par un état,mais non inclusion de la Charte des droits fondamentaux dans les traités

-Coopérations renforcées: mise en oeuvre facilitée

 

 

 -Réforme des institutions: extension de la  codécision, nouvelle pondération des voix au  Conseil,extension du vote à la majorité qualifiée, composition et fonctionnement des institutions

 

 

Les PLus

 

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  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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