Révision du Protocole sur l'Irlande du nord
Ursula von der leyen, Rishi Sunak à Windsor Guildhall
Photographe: Dati Bendo
EC - Service audiovisuel -Union européenne 2023
Où l’on reparle du Brexit (mais oui, encore et toujours) avec la révision du du Protocole sur l’Irlande du nord qui causait de nombreuses difficultés d’application depuis sa signature en décembre 2020.
Selon ce texte, annexé à l’accord post brexit entre l’UE et le Royaume-Uni, l’Irlande du Nord bénéficie toujours du marché unique et de l'union douanière, bien que n’étant plus membre de l’Union européenne, et doit en appliquer les règles. Les produits du Royaume-Uni destinés à l’Irlande du Nord pour être ensuite vendus sur le marché européen, sont contrôlés aux points d'entrée : ports en mer d'Irlande, ainsi qu'aéroports. C’est la solution qui a été trouvée pour éviter le rétablissement d’une frontière terrestre entre l’Irlande du Nord et la République d'Irlande. Les règles européennes sur la TVA continuent de s’appliquer.
Le Protocole (L'introuvable frontière irlandaise, 1ère partie) a été depuis l’origine une source de conflits entre le Royaume-Uni et l’UE. La situation s’était envenimée à tel point que l’UE avait déclenché des sanctions contre le Royaume-Uni qui avait unilatéralement suspendu l’application du le Protocole pourtant signé par Boris Johnson (qui une fois de plus revenait sur sa parole).
Le changement de Premier Ministre en Angleterre a permis aux négociations de reprendre pour parvenir à un accord annoncé hier, 27 février 2023. Le gouvernement britannique craint une résurgence des conflits en Irlande du nord entre unionistes (protestants en majorité et fidèles au Royaume-Uni) et nationalistes (catholiques, partisans de l’unification de l’Irlande). Le DUP, principal parti unioniste refuse de siéger à l’assemblée nord-irlandaise pour protester contre l’existence du Protocole et la frontière douanière entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni.
L‘accord trouvé va-t-il permettre d’apaiser les esprits ? La circulation des biens entre le Royaume-Uni et l’Irlande du nord devrait être plus fluide en contrepartie de garanties pour que ces biens restent en Irlande du nord (et ne pénètrent pas illégalement sur le marché européen). Il prévoit (notamment)
- Des échanges facilités grâce à l’élargissement du régime des opérateurs de confiance aux entreprises britanniques. Les marchandises acheminées par des opérateurs de confiance et ne risquant pas d'entrer sur le marché unique de l'UE bénéficieront de procédures et de déclarations simplifiées. En contrepartie de cette ouverture, des garanties protégeant le marché unique de l'Union sont mises en place (renforcement de la surveillance du marché et du contrôle de l’application des règles, partage de données avec les autorités britanniques, et surtout : possibilité de suspendre les régimes ou d’y mettre un terme dans certaines circonstances…)
- Mesures pour garantir que les mêmes denrées alimentaires soient disponibles dans les rayons des supermarchés en Irlande du Nord et dans le reste du Royaume-Uni. Concrètement, les produits destinés à la consommation finale en Irlande du Nord pourront quitter la Grande-Bretagne avec des exigences et des contrôles minimaux en matière de certification. Les normes de santé publique du Royaume-Uni s'appliqueront aux produits agroalimentaires de détail destinés à la consommation finale en Irlande du Nord, tandis que les normes phytosanitaires et zoosanitaires de l'UE restent applicables à la protection du marché unique de l'UE. En contrepartie : contrôles sanitaires et phytosanitaires ainsi qu’étiquetage afin de vérifier l’application de ces règles.
- Accès des habitants d’Irlande du nord à tous les médicaments, y compris aux nouveaux médicaments, au même moment et dans les mêmes conditions que les citoyens du reste du Royaume-Uni. En contrepartie : nouvelles obligations notamment en matière d'étiquetage, afin que les médicaments n'entrent pas sur le marché unique de l'UE.
- Assouplissement des règles de TVA et d’accises. Le Royaume-Uni peut fixer des taux de TVA inférieurs aux taux minimaux de TVA de l'UE pour les biens immobiliers sans risque que ces biens entrent sur le marché unique de l'UE et possibilité d’exonération de TVA pour les PME.
- Participation des citoyens et des parties prenantes d'Irlande du Nord aux structures de pilotage de l'accord de retrait, notamment, sur les questions liées au protocole. Un nouveau mécanisme d'urgence pourra être utilisé dans des circonstances exceptionnelles : le Stormont Brake. Si 30 membres de l'Assemblée législative d'Irlande du Nord le demandent, le gouvernement britannique pourra mettre fin à l'application en Irlande du Nord de règles européennes pouvant avoir « un impact significatif et durable spécifique sur la vie quotidienne des communautés qui y vivent ».
Le succès de l’accord de Windsor (c’est le nom de ce nouvel texte) dépendra de la bonne volonté des uns et des autres et de la coopération des autorités britanniques dans les contrôles et la surveillance des échanges afin d’éviter l’introduction frauduleuse de biens sur le marché européen. Les contreparties prévues (étiquetage «Royaume-Uni seulement», possibilité de suspendre les nouvelles règles en cas de risque/abus…) sont sensés l’assurer. La pratique dira ce qu’il en est.
Un point « rassurant » pour les européens : La Cour de justice de l'Union européenne « reste le seul arbitre ultime du droit de l'Union ». C’était un point non négociable pour l’UE. Le Royaume-Uni a du se résigner à l’accepter.
Il reste à présent au Premier Ministre britannique Rishi Sunak a convaincre le DUP qui contestent le maintien de lois européennes en Irlande du nord. Il lui faudra aussi convaincre les députés et éviter le retour d’un Boris Johnson que l’on dit en embuscade. Et ce ne sera pas une tâche facile. Anecdote amusante : Rishi Sunak tente de convaincre les irlandais du nord (et notamment les entreprises) de leur « chance inouïe d’avoir une place incroyablement spéciale, unique au monde », par l’accès au deux marchés européen et britannique. Ce à quoi il lui a été répondu que c’était exactement ce qu’avaient également l’Ecosse, l’Angleterre et le Pays de Galles …avant le Brexit.