Plan de relance européen : pas d’argent magique ! 1ere partie
Le plan de relance économique de l’Union européenne se met en place. L’argent va-t-il couler à flot pour renflouer les économies des Etats membres laminées par l’épidémie de covid ?
De l’argent il y en aura. Mais il ne sera ni offert ni magique.
Explications sur le fonctionnement de la « Facilité pour la reprise et la résilience » qui constitue le volet principal du plan de relance de l’Union Européenne, NextGenerationUE.
Contenu du programme
Le 10 février 2021, le Parlement européen a adopté le règlement qui crée ce programme européen d’aide aux Etats. Le lendemain, le Conseil a voté à son tour le texte qui a été publié au Journal Officiel de l’Union Européenne le 18 févier 2021. Doté d’un budget de 672,5 milliards d’euros, le programme est destiné à attribuer des subventions (312,5 milliards d'euros) et des prêts aux Etats de l’Union européenne pour leur permettre de soutenir leurs économies. Il est financé par la dette, la Commission européenne empruntant des fonds sur les marchés des capitaux au nom de l'Union.
Critères d’attribution de l’enveloppe globale par Etat
Dans un premier temps (jusqu’à fin 2022), les aides seront accordées en fonction de la population, du Produit Intérieur Brut (PIB) et du taux de chômage entre 2015 et 2019. Par la suite, les performances de l'économie en 2020 et 2021 seront prises en compte à la place du chômage.
Domaines et actions financés
Les fonds ont pour but d’atténuer l'impact social immédiat de la crise, mais aussi de préparer la reprise en étant ciblés sur les objectifs à long terme de l'UE. Au premier rang de ces objectifs on trouve l'environnement. Au moins 37% des financements dans les plans nationaux devront aller à des actions pour soutenir la transition verte : biodiversité, efficacité énergétique, rénovation des bâtiments, économie circulaire, en créant des emplois et en préservant la sécurité énergétique.
L'obligation de financer des mesures pour la transition verte s’accompagne d’une interdiction absolue, celle de financer des mesures qui causent des préjudices à l'environnement, selon la définition qu’en donne l'article 17 du règlement (UE) 2020/852 sur les investissements durables.
Deuxième objectif phare, la transformation numérique concentrera au moins 20% des financements prévus dans les plans. Ils seront affectés à la digitalisation de l'économie, en respectant les principes d'interopérabilité, d'efficacité énergétique et de protection des données à caractère personnel, et en favorisant l'utilisation de solutions à code source ouvert.
Le reste du budget financera:
- la cohésion économique, l'emploi, la productivité pour une croissance "intelligente, durable et inclusive" (industrialisation et réindustrialisation, transports durables, économie sociale), la recherche, le développement et l'innovation,
- la cohésion sociale et territoriale, la lutte contre la pauvreté et contre le chômage,
- la santé (accessibilité et capacité des systèmes de santé et de soins),
- la préparation aux crises et les politiques pour la prochaine génération, en particulier l'éducation et les compétences professionnelles.
En application du principe d’additionnalité déjà mis en œuvre dans le cadre des fonds structurels communautaires, la Facilité ne devra pas se substituer à des dépenses nationales habituelles mais permettre des actions supplémentaires.
Cadre et conditions de l’aide
Pour bénéficier de l’aide, les Etats vont préparer des plans contenant un ensemble de réformes et de projets d'investissement à mettre en œuvre en œuvre d'ici 2026.
Les mesures nationales prises en lien avec la crise du Covid-19 depuis février 2020 sont également éligibles à une aide.
Ces plans sont soumis à la Commission européenne avant le 30 avril 2021. Ils doivent être intégrés dans le Semestre européen. Il s'agit d'un cadre dans lequel les États membres coordonnent leurs politiques économiques et budgétaires en les alignant sur des règles et des objectifs définis au niveau de l'UE (ce que l’on appelle la gouvernance économique). Le Semestre européen compte plusieurs phases au cours desquelles les États présentent leurs stratégies budgétaires et économiques et leurs programmes de réforme à la Commission européenne. Celle-ci les analyse et elle formule des recommandations pour chaque État. Le Conseil vote ensuite sur ces recommandations qui ne sont pas contraignantes.
Les plans nationaux pour la reprise sont évalués par la Commission européenne. Pour encadrer son travail, le règlement lui fixe des lignes directrices dans l’annexe V, comprenant des critères et une grille d’évaluation afin d’apprécier la contribution des actions proposées par les plans à la réalisation des six objectifs définis, leur intégration dans le Semestre européen, ou encore le respect des priorités d’allocation des ressources, notamment à la transition verte et au numérique. Pour être approuvés, les plans doivent aussi fournir des garanties contre la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts. Et rappelons-le, l'accès aux financements européens est également conditionné au respect de l’État de droit et des valeurs fondamentales de l’UE.
L'évaluation doit durer deux mois au maximum. Une fois terminé, la Commission propose ensuite au Conseil les montants des subventions et des prêts accordés à chaque pays ainsi qu'un ensemble d'objectifs à atteindre. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, se prononce sur cette proposition dans un délai maximum de quatre mois.
La majorité qualifiée est atteinte si deux conditions sont remplies : 55 % des États membres ont exprimé un vote favorable (donc 15 sur 27) + ces États doivent représenter au moins 65 % de la population totale de l'UE. Il existe, de plus, une minorité de blocage : au moins quatre membres du Conseil représentant plus de 35 % de la population de l'UE.
Engagement et paiements
Une fois que le Conseil a adopté la décision approuvant le financement d'un plan national, la Commission conclut un accord avec l'État membre concerné. Les engagements de crédits budgétaires qui en résultent peuvent être fractionnés sur plusieurs exercices en tranches annuelles. Les paiements, quant à eux, seront effectués une fois les objectifs atteints par les États membres. Mais ces derniers pourront demander un préfinancement allant jusqu'à 13% du montant total. Cette somme leur sera versée une fois leur plan adopté par le Conseil. Ensuite, deux fois par an, dans le cadre du Semestre européen, les pays de l'Union européenne devront communiquer sur les progrès réalisés. A cette occasion ils peuvent demander de nouveaux paiements qui leur seront accordés en fonction de l'état d'avancement de leur plan.
Dans cette étape, la Commission européenne joue également un rôle prépondérant puisqu'il lui revient d'évaluer les progrès réalisés. Dans cette tâche, elle est, comme dans le cadre du Semestre européen, assistée du comité économique et financier dont elle doit tenir compte de l'avis.
Suspension des engagements et des paiements
Le règlement prévoit deux types de mesures dans le cas où un Etat ne respecte pas les engagements pris dans son plan.
La première, est énoncée à l’article 24. Celui-ci dispose, notamment, que si dans un délai de 18 mois à partir de l'approbation du financement par le Conseil, un Etat n'a fait aucun "progrès tangible", la Commission, après avoir entendu les observations de l'Etat, résilie l'accord conclu avec lui et annule les crédits d'engagement correspondant au montant du financement attribué. Tout paiement effectué dans le cadre du préfinancement doit être remboursé par l'Etat.
La seconde, prévue à l'article 10 du règlement, s'explique par le lien établi entre la facilité et la "bonne gouvernance économique" (dont les principaux outils sont le pacte de stabilité et la coordination des politiques nationales à travers le semestre européen). Cet article permet à la Commission de proposer au Conseil de « suspendre tout ou partie des engagements ou des paiements » à l’Etat qui fait l’objet d’une procédure pour déficit excessif et n’a pas pris de mesures pour y remédier. Différents cas sont envisagés par l’article. Le Conseil peut rejeter la proposition de la Commission par un vote à la majorité qualifiée dans un délai d’un mois à partir de la présentation de la proposition. Faute de quoi, la proposition est adoptée. L’article 10 prévoit une exception, celle de l’hypothèse d’une grave récession économique dans l’Union européenne, et impose à la Commission de tenir compte de différents critères pour atténuer la portée et le niveau de la suspension des engagements ou des paiements. Ils doivent être proportionnés, respecter l'égalité de traitement entre les États membres, tenir compte de la situation économique et sociale de l'État membre concerné (taux de chômage, niveau de pauvreté ou d'exclusion sociale) et des effets de la suspension sur l'économie de cet État. De plus, la suspension des engagements ne peut pas dépasser 25% des engagements (ou 0,25% du PIB nominal) (sauf cas où l’Etat fait l’objet de procédures à répétition).
Suivi : le tableau de bord de la reprise et de la résilience (article 30 du règlement)
D’ici à décembre 2021, la Commission va devoir mettre en place un tableau de bord de la reprise et de la résilience. Il présentera les progrès accomplis dans la mise en oeuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Il devra être mis à jour deux fois par an par la Commission et tenu à la disposition du public sur un site internet ou un portail internet afin que chacun puisse le consulter s’il le désire. De plus, un rapport annuel doit être adressé au Conseil et au Parlement européen par la Commission.