Droit communautaire et droit national (II)
Nul n'est censé ignorer le droit communautaire: l'effet direct du droit communautaire
L’effet direct du droit communautaire n’est pas systématique car il suppose que la norme communautaire soit claire, précise et inconditionnelle, ce qui n’est pas toujours le cas. En vertu de l’article 249 du traité instituant la Communauté européenne, les règlements communautaires, qui ont force obligatoire dès leur publication au Journal officiel de l’Union européenne sans aucune mesure nationale de « réception » au sein du droit interne, sont directement applicables. Il en est de même des décisions adressées à des particuliers. Pour les autres textes de droit communautaire, il faut se référer à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui a une conception extensive de l’effet direct. Le but étant bien sûr de donner au droit communautaire la plus grande efficacité et le plus de rayonnement possible par rapport aux droits nationaux.
Dans cette optique, différentes dispositions des traités se sont vu reconnaître un effet direct au fil des arrêts de la Cour (par exemple : libre circulation, liberté d’établissement, libre prestation des services, liberté de circulation des marchandises, égalité des rémunérations entre hommes et femmes, interdiction de toute discrimination, libre concurrence).
Les directives communautaires ont également bénéficié de cette jurisprudence favorable au droit communautaire. Ce qui n’allait pas de soi pourtant car les directives sont des textes cadres généraux qui nécessitent que des mesures nationales les complètent pour pouvoir être appliqués. Contrairement aux règlements et aux traités, elles ne prennent pas immédiatement place dans les ordres juridiques nationaux aux côtés des normes internes, mais doivent être "transposées" par des lois ou des règlements nationaux . C’est pourquoi elles n’ont pas d’effet direct en principe et ne peuvent pas être invoquées par les particuliers. Mais comme tout principe, celui-ci comporte des exceptions, grâce à la Cour de justice qui reconnaît aux particuliers le droit d’invoquer les directives « inconditionnelles et suffisamment précises » (CJCE 04/12/1974, Van Duyn). Les particuliers peuvent donc se prévaloir directement devant le juge national des droits que leur confèrent les dispositions d’une directive non transposée ou mal transposée si ces dispositions remplissent les conditions pour avoir un effet direct. Si la réglementation nationale n’est pas conforme aux dispositions de la directive, le juge doit l’écarter et applique la directive. Mais, en France, le Conseil d’Etat a opposé longtemps une certaine résistance. En 1978, il a jugé qu’un requérant ne pouvait pas invoquer les dispositions d’une directive non transposée pour demander l’annulation d’un acte administratif individuel (Conseil d’Etat, 22/12/1978, Ministre de l’Intérieur c./ Cohn-Bendit). Ce qui ne signifiait pourtant pas que les particuliers étaient privés de tout recours. Car ils pouvaient invoquer les dispositions d’une directive à l’appui d’un recours en annulation contre un acte réglementaire pris pour assurer sa transposition (28 /09/1984, Confédération nationale des sociétés de protection des animaux de France) et demander et obtenir le retrait de tout acte réglementaire non conforme à une directive (CE.03/02/1989, Compagnie Alitalia). Et, pour ce qui est des actes individuels, le Conseil d’Etat avait indiqué lui-même dans l’arrêt Cohn-Bendit, le moyen qui aurait rendu le recours recevable : au lieu de demander directement l’annulation de l’acte individuel pour non conformité à une directive, le requérant aurait du soulever une exception consistant à remarquer que la réglementation nationale sur la base de laquelle avait été prise la décision individuelle contestée était contraire à la directive. L’ illégalité de la première pour violation de la directive entraînait l’illégalité de l’acte qui en découlait. Cette jurisprudence est cepdnant aujourd'hui abandonnée.