De nouvelles règles sur le droit d'auteur dans l'Union européenne - II
Auteur: DELMEIREN Frédérique
Quelques remarques sur la directive sur le droit d'auteur dans l'Union européenne
La proposition de directive a fait l’objet d’un lobbying important. Il a opposé les associations représentant les créateurs et les titulaires de droits d’auteur à des plateformes et des associations d’usagers du net. Pour les associations d’auteurs et de titulaires des droits, les nouvelles règles, plus protectrices, étaient les bienvenues. En revanche, les usagers du net dénonçaient des risques pesant sur la liberté d’expression en cas de surveillance généralisée des contenus. Plateformes et usagers se retrouvaient ainsi alliés objectifs contre la directive, pour des raisons différentes !
De manière générale, les auteurs et les ayants droits, les éditeurs de presse ont fait un bon accueil, et on le comprend, aux dispositions concernant le droit des éditeurs des éditeurs et agences de presse (article 15), la responsabilité des fournisseurs de partage de contenus en ligne (article 17) et le droit à une rémunération appropriée et proportionnelle (article 18) qui entraine la réévaluation de la rémunération en fonction des bénéfices tirés de l’exploitation de l’œuvre.
Des craintes se sont exprimées cependant sur un risque de risque de censure des publications sur internet. Pour les opposants à la directive, le fait d’obliger les plateformes à faire leurs « meilleurs efforts » pour garantir une utilisation des œuvres respectant le droit d’auteur, se traduira inéluctablement par une obligation de filtrage algorithmique. Leurs arguments sont que le principe de précaution primera et qu’afin de ne pas prendre de risques de voir leur responsabilité engagée les plateformes mettront en place un contrôle draconien grâce aux filtres de téléchargement automatiques. Or, ces filtres ne font pas la différence entre du contenu qui enfreint les droits d’auteur et du contenu qui les respecte, affirment leurs détracteurs. Par conséquent, la liberté des créateurs de contenu sur internet risque d’être considérablement restreinte au profit d’une censure généralisée. De plus, à supposer que les filtres soient plus sélectifs, seules les grandes plateformes auraient les moyens de s’en doter, ce qui conforterait leur position dominante.
Ces oppositions ont obligé la Commission européenne à rappeler à plusieurs reprises que l’obligation de filtrage ne figure pas dans la directive, et celle-ci protège l’utilisation libre d’un grand nombre de contenus comme les mêmes ou les parodies. Elle a également publié, le 4 juin 2021, un guide expliquant comment appliquer l’article 17.
Le point faible du dispositif réside peut-être dans les recours possibles en cas de blocage de contenu. L’article 17-9 dispose que les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne doivent mettre en place « un dispositif de traitement des plaintes et de recours rapide et efficace, à la disposition des utilisateurs de leurs services en cas de litige portant sur le blocage de l'accès à des œuvres ou autres objets protégés qu'ils ont téléversés ou sur leur retrait ». Les plaintes doivent être traitées sans « retard indu » et les décisions de blocage d'accès aux contenus téléversés ou de retrait de ces contenus doivent faire l'objet d'un contrôle par une personne physique. Les utilisateurs pourront également s'adresser à un tribunal ou à une autre autorité judiciaire compétente pour faire valoir le bénéfice d'une exception ou d'une limitation au droit d'auteur et aux droits voisins. Les associations d’utilisateurs d’internet et de créateurs de contenus font valoir que le recours prévu sera peu efficace puisque le mal sera fait dans la mesure où les contenus sont consommés très rapidement sur internet (par exemple, la durée de vie d’une vidéo d’actualité est de quelques heures).
La directive vient d’entrer en application. Il faudra un peu de temps pour juger de ses mérites.
Transposition de la directive en France
La Loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 a transposé l’article 15 de la directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 en créant un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse Une autre ordonnance transposera les dernières dispositions de la directive 2019/790 |