Le Parlement européen dénonce les conditions de fonctionnement des centres de rétention
Les députés européens ont adopté le 05/02 un rapport très critique sur les conditions des rétention des immigrés dans les centres prévus pour ce faire (1).
Entre 2005 et 2008, des délégations parlementaires ont visité 26 centres de rétention pour immigrants illégaux et demandeurs d'asile dans plus d'une dizaine d'Etats membres afin de s’assurer que le droit communautaire en matière d'accueil des demandeurs d'asile (2) y est appliqué. Le bilan a fait l’objet du rapport présenté par l’eurodéputée française Martine Roure et adopté le 05 en plénière par 487 voix pour, 39 contre et 45 abstentions. Ce bilan est mauvais.
Le rapport décrit en effet de mauvaises conditions de rétention et d'hygiène, l’insuffisance de l’aide médicale et juridique, les obstacles dans l’accès des mineurs à l'éducation, le manque de solidarité des Etats membres envers les pays situés à la périphérie de l'Union européenne et qui sont de ce fait en première ligne dans l’application de la politique d’immigration. Ceci au mépris des droits reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la CEDH, tels que le droit à vivre dans la dignité, la protection de la vie familiale, l'accès à des soins de santé et le droit à un recours effectif contre la rétention, qui souligne le rapport « devraient être d'application en toutes circonstances, quel que soit le statut du ressortissant du pays tiers concerné; (on) ne saurait dès lors tolérer qu'une personne ne soit pas traitée en conséquence pour l'unique raison qu'elle est un(e) migrant(e) en situation irrégulière ».
A titre d’exemple, la délégation qui s’est rendue en France a souligné après avoir rencontré des représentants de l’Etat et des associations, comme la CIMADE, le besoin d'améliorer l'information des immigrants, les problèmes d’information des immigrants sur leurs droits et a demandé la fermeture « dans les plus brefs délais » du dépôt de l'île de la Cité (Paris- Palais de justice) qu’elle a visité (3). En Belgique, la délégation a constaté et critiqué un recours systématique à la détention et a également condamné la rétention des mineurs, contraire à la Convention internationale sur les droits de l'enfant.
De manière générale, le rapport met l’accent sur diverses violations des dispositions de la directive:
- des conditions de rétention « intolérables » du point de vue de l'hygiène, de la promiscuité, des équipements disponibles
- l’absence d’information des personnes retenues sur les raisons de leur rétention, alors que cette information devrait être systématique
- l’insuffisance des soins médicaux appropriés en particulier pour les femmes enceintes
- des centres de rétention qui sont en fait des centres carcéraux classiques
- l’utilisation de la rétention de préférence à d’autres moyens comme des centres d’accueil ouverts alors que « la rétention est une mesure administrative temporaire qui diffère de la détention à caractère pénal » et que personne ne devrait être détenu au seul motif d'être à la recherche d'une protection internationale.
Le rapport conclut que « les directives existantes sont mal appliquées par certains États membre, voire ne le sont pas du tout » et demande à la Commission de mettre en place, en coopération avec le Parlement, un système de visite et d'inspection permanent. La Commission des Libertés civiles du Parlement européen devra en outre poursuive ses visites et un débat annuel au Parlement européen sera organisé afin de rendre compte des résultats de ces visites.
Ce débat montre l’intérêt que revêtent les prochaines élections européennes pour la défense des valeurs et des droits.
Addendum:
Quelques jours avant le vote de ce rapport, les eurodéputés avaient débattu de la situation dans les centres de rétention de Lampedusa et de Mayotte (4). Au sujet de ce dernier, Margie Sudre a rappelé que 30% de la population à Mayotte est en situation irrégulière, en raison de l’arrivée de nombreux comoriens. Martine Roure a pour sa part souligné que le dépassement des capacités du centre a pour conséquences que « Les conditions actuelles sont catastrophiques: les hommes dorment à même le sol; aucun nécessaire de couchage ni nécessaire de toilette n'est distribué; les sanitaires sont communs entre hommes, femmes et enfants. Les conditions de rétention sont dégradantes et portent atteinte à la dignité humaine ». Mais le problème est que, ainsi que l’a dit le commissaire Jacques Barrot, chargé des questions de Justice, Liberté et Sécurité les règles communautaires sur les conditions de rétention ne s'appliquent pas pour l'instant au territoire de Mayotte en raison de son statut de pays et territoire d'outre-mer, non de région ultrapériphérique.
12/02/2009
1 - Résolution du Parlement européen du 5 février 2009 sur la mise en œuvre dans l'Union européenne de la directive 2003/9/CE sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile et refugiés: visites de la commission LIBE de 2005 à 2008
2 - Directive 2003/9 du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres et Directive 2005/85 du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres
3 - Rapport de la délégation de la commission LIBE sur sa visite à Paris (FR), Rapporteur : M. Agustín DÍAZ DE MERA GARCÍA-CONSUEGRA, 22/03/2006
Dans son rapport sur la rétention en Ile de France pour 2007, la CIMADE fait état de la transformation des locaux dont la partie réservée aux hommes a été fermée, seule restant la partie réservée aux femmes, avec note la CIMADE, certaines améliorations des conditions matérielles de la rétention et un meilleur respect des droits des personnes): « CENTRES ET LOCAUX DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE, RAPPORT 2007 »
4 - Débat sur la « Situation préoccupante dans les centres de rétention pour immigrés, notamment dans les îles de Mayotte et Lampedusa », 03/02/2009