Rejet du recours de Microsoft contre la décision de la Commission européenne le sanctionnant pour abus de position dominante
Très attendu, l’arrêt du Tribunal de première Instance des Communautés européennes qui tranche le litige opposant Microsoft à la Commission européenne vient d’être publié ce matin (Tribunal de Première Instance, 17/09/2007 , aff. T-201/04 Microsoft Corporation / Commission des Communautés européennes).
Petit rappel des faits : en mars 2004, une décision de la Commission européenne constate que Microsoft a violé les règles du droit communautaire de la concurrence, plus précisément l’article 82 du traité instituant la Communauté européenne qui interdit les abus de position dominante. Cette décision était assortie d’une amende importante puisqu’elle s ‘élève à 497 millions d’euros. Microsoft avait contesté la décision de la Commission jugeant qu’il y avait violation du droit communautaire et contre la décision imposant l’amende, en formant un recours en annulation devant le Tribunal de première Instance des Communautés européennes (1).
Sur le refus de Microsoft de fournir à ses concurrents les informations relatives à l’interopérabilité, le Tribunal valide le degré d’interopérabilité nécessaire retenu par la Commission et juge fondée la mesure corrective imposée par elle à Microsoft. La société devait divulguer à toute entreprise souhaitant développer et distribuer des systèmes d’exploitation pour serveurs de groupe de travail les « spécifications » de ses protocoles de communication client-à-serveur et serveur-à-serveur. Cette obligation d’information ne s’étendait pas aux éléments de code source, ce qui rend inopérant l’argument de la société selon lequel ses concurrents auraient été en mesure de cloner ou de reproduire ses produits (considérant 234). Le refus de Microsoft constitue bien, en l’absence de motif objectif pouvant le justifier, un abus de position dominante, les trois conditions posées par la jurisprudence étant réunies :
- refus portant sur un produit ou service indispensable pour l’exercice d’une activité sur un marché voisin ;
- refus conduisant à exclure toute concurrence effective sur ce marché ;
- refus faisant obstacle à l’apparition d’un produit nouveau pour lequel il existe une demande potentielle des consommateurs (considérants 331 à 333).
Les droits de propriété intellectuelle invoqués par Microsoft ne constituent pas, observe le Tribunal, un motif permettant de justifier objectivement le refus.
Les concurrents de Microsoft pourront donc accéder aux informations visées ce qui leur permettra de proposer aux consommateurs des logiciels compatibles avec Windows.
Sur la vente liée du lecteur multimédia Windows Media Player avec le système d’exploitation Windows pour PC, le Tribunal entérine l’analyse de la Commission selon laquelle il y a bien vente liée abusive affectant la concurrence sur le marché des lecteurs multimédias , car Microsoft l’entreprise détient une position dominante sur le marché du produit liant (le système d’exploitation) ; le produit liant et le produit lié sont deux produits distincts ; les consommateurs n’ont pas le choix d’obtenir le produit liant sans le produit lié, et enfin, la pratique restreint la concurrence. Or, Microsoft n’a pas démontré qu’il y avait une justification objective à la vente liée. Quant à la mesure corrective imposée par la Commission (proposer une version de windows sans le lecteur multimedia) le Tribunal la juge proportionnée au but poursuivi (assurer la concurrence effective).
Le seul bémol introduit par les juges concerne les pouvoirs excessifs conférés au mandataire indépendant désigné par la Commission pour permettre à celle-ci de contrôler que Microsoft appliquait bien les mesures correctives préconisées pour se conformer à la législation. Cette partie de la décision de la Commission est annulée pour manque de fondement juridique.
Mais il s’agit d’une satisfaction modeste pour Microsoft qui a bel et bien perdu son bras de fer avec la Commission européenne. Pour celle-ci, l’arrêt du tribunal est incontestablement une victoire juridique et politique.
En théorie, tout n’est pas terminé, puisqu’un pourvoi, limité aux questions de droit, peut être formé contre la décision du TPI dans les deux mois à compter de sa notification.
17/09/2007