Accès du public aux normes harmonisées communautaires
Une audience de la Cour de justice chambre à cinq juges
Source : Cour de Justice de l’Union Européenne
Les citoyens doivent avoir accès aux normes harmonisées au niveau européen. C’est ce qu’a décidé la Cour de Justice de l’Union Européenne dans un arrêt du 5 mars 2024 (affaire C-588/21 P | Public.Resource.Org et Right to Know/Commission e.a.)
Cet arrêt a son origine dans le refus de la Commission européenne de communiquer les normes harmonisées concernant la sécurité des jouets à deux associations qui les demandaient. Par un jugement en 2021, le Tribunal de l’Union européenne avait validé ce rejet. Les associations s’étaient alors pourvues devant la Cour de Justice de l’Union européenne.
Parmi les arguments défavorables à la divulgation, le TUE avait retenu la possibilité d’une atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle et estimé que la divulgation gratuite des normes « aurait été de nature à affecter concrètement et effectivement les intérêts commerciaux des organismes de normalisation qui sont des « entités privées exerçant une activité économique » (points 65 à 73 de l’arrêt du Tribunal du 14 juillet 2021, affaire T 185/19, Public.Resource.Org, Inc.,Right to Know CLG, établie à Dublin).
Ces arguments ne sont pas retenus par la CJUE
Elle rappelle que les normes harmonisées demandées font partie du droit de l’Union (point 80). L’UE est fondée sur « le principe de l’État de droit, qui exige un accès libre au droit de l’Union pour toutes les personnes physiques ou morales de l’Union, ainsi que la possibilité, pour les justiciables, de connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations ». Ceci afin que toute personne qu’une loi vise à protéger puisse « vérifier, dans les limites permises par le droit, que les destinataires des règles édictées par cette loi se conforment de manière effective à celles-ci » (point 81). C’est le cas pour une norme harmonisée qui peut spécifier des droits et des obligations des justiciables (point 82) et à laquelle s’applique le principe de transparence qui fonde le droit d’accès aux documents détenus par le Parlement, le Conseil ou la Commission (point 84) Un intérêt public supérieur justifie donc la divulgation des normes harmonisées sur la sécurité des jouets. Dès lors, elles ne peuvent pas rester confidentielles (point 85).
Dispositif
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2021, Public.Resource.Org et Right to Know/Commission (T 185/19), est annulé.
2) La décision C (2019) 639 final de la Commission, du 22 janvier 2019, est annulée.
3) La Commission européenne est condamnée à supporter les dépens afférents tant à la procédure devant le Tribunal de l’Union européenne qu’à celle de pourvoi.
4) Le Comité européen de normalisation (CEN), l’Asociación Española de Normalización (UNE), l’Asociaţia de Standardizare din România (ASRO), l’Association française de normalisation (AFNOR), l’Austrian Standards International (ASI), la British Standards Institution (BSI), le Bureau de normalisation/Bureau voor Normalisatie (NBN), le Dansk Standard (DS), le Deutsches Institut für Normung eV (DIN), le Koninklijk Nederlands Normalisatie Instituut (NEN), la Schweizerische Normen-Vereinigung (SNV), le Standard Norge (SN), la Suomen Standardisoimisliitto ry (SFS), le Svenska institutet för standarder (SIS) et l’Institut za standardizaciju Srbije (ISS) supportent leurs propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi.