Déja ratifié par 13 états de l'Union européenne et 8 de la zone euro (1), le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), va être bientôt débattu au parlement français qui doit décider de sa ratification (voir aussi: Procédures "allégées" pour ratifier le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvenance [2]).
Dépôt du projet de loi de ratification en France
Le projet de loi a été enregistré à l'Assemblée nationale le 19/09/2012 (2). Il est actuellement en cours d'examen par la commission des affaires étrangères, et Elisabeth Guigou a été chargée d'élaborer le rapport qui doit servir à éclairer le vote des députés.
Ce projet de loi de ratification s'accompagne d'un projet de loi organique nécessaire pour mettre en aplication le TSCG (3). Il prévoit trois innovations pour adpter la gestion des finances publiques.
- La première est la détermination par la loi de programmation des finances publiques votée par le Parlement d'un objectif de solde structurel des comptes de l'ensemble des administrations publiques. Pour parvenir à cet objectif, une trajectoire pluriannuelle sera définie et chaque année, à l'occasion de l’examen des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, un tableau synthétique concernant les comptes de l’ensemble des administrations publiques permettra au législateur de vérifier que cette trajectoire est bien respectée.
- Deuxième innovation apportée par la loi organique: la création d'un organisme indépendant, le Haut conseil des finances publiques. Présidé par le Premier président de la Cour des comptes, il sera composé de magistrats en activité de la Cour des comptes désignés par le président et de membres nommés par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il aura pour mission d'assister le Gouvernement et le Parlement en rendant des avis sur la fiabilité des prévisions macroéconomiques retenues pour l’élaboration des projets de lois financières et la cohérence de ces projets avec la loi de programmation. Les avis seront rendus publics.
- Enfin, et c'est le troisième élément nouveau, si l'évolution des finances publiques s'écarte trop de la trajectoire définie, un mécanisme de correction sera mis en oeuvre. Il incombera au Haut conseil d’alerter publiquement le Parlement et le Gouvernement sur l’éventuelle nécessité de déclencher ce mécanisme. Le Gouvernement devra proposer au Parlement des mesures pour remédier aux écarts constatés.
Un texte débattu
Pour faire passer un projet qui, on le sait, est contesté au sein même de la majorité présidentielle, le Gouvernement rappelle, justement, que la nécessité de respecter une exigence d' équilibre budgétaire n'implique pas pas le carcan rigoriste que dénoncent les oposants à la ratification. Cette exigence s'évalue en termes « structurels », ce qui signifie que le traité ne s’oppose pas à une politique économique conduisant à aggraver un déficit en raison d’une conjoncture économique dégradée, et que les états parties peuvent s’écarter de leurs obligations en cas de grave récession économique (article 3 du TSCG). De plus, le traité n'est qu'un élément de la réorientation de l’action européenne, dont le Pacte pour la croissance et l’emploi est un autre volet indissociable. Mais ce plaidoyer visant à désamorcer la contestation de la ratification du TSCG qui s'est développée au nom du combat contre la politique d'austérité n'a pas convaincu, on le sait, les alliés écologistes (4), pas plus qu'elle ne convainct certains députés et sénateurs socialistes. Des dissidences dans les rangs de la majorité présidentielle sont donc probables, mais elles ne devraient pas empêcher la ratification.
Entre le marteau de la rigueur et l'enclume de la spéculation
Au final, si la France ne ratifiait pas le TSCG, ce qui est peu probable mais souhaité par certains, cela n'empêcherait pas celui-ci de s'appliquer. Car il suffit que douze états membres de la zone euro le ratifient pour qu'il entre en vigueur (article 14 du traité). Quelle que soit la réponse de la France, les réformes seront mises en oeuvre, mais la France resterait alors à l'écart de l'application du TSCG, avec pour conséquence qu'elle ne pourrait demander l'aide financière de ses partenaires en cas de difficulté, puisque le bénéfice des aides du mécanisme européen de stabilité sera réservé aux états qui auront ratifié le TSCG. Il n'est pas besoin de jouer les cassandre ni d'avoir des dons de prémonition pour prévoir que l'isolement de la France en fera alors une proie rêvée pour la spéculation financière.
La question est donc de savoir s'il vaut mieux rester dans le jeu et appliquer le TSCG en sachant qu'il sera possible d'en moduler les règles pour ne pas graver dans le marbre l'austérité et faire ainsi mentir les opposants au TSCG, ou s'il faut faire le pari de refuser ce traité, et prendre le risque de se livrer aux marchés et aux agences de notation.
Le MES bientot opérationnel
Réunis le 14/09/2012, les ministres des finances de la zone euro qui composent l'Eurogroupe ont déclaré que le Mécanisme européen de stabilité (MES) [3] devrait être opérationnel à la fin d'octobre 2012. Cette annonce a été rendue possible par la décision de la Cour constitutionnelle fédérale allemande qui, deux jours plus tôt, avait déclaré le MES conforme à la loi fondamentale, et permis ainsi à l'Allemagne de ratifier le traité.
La décision était attendue depuis plusieurs mois. La Cour avait été saisie par de nombreux recours qui lui demandaient de déclarer les mécanismes anticrise décidés par la zone euro (MES et TSCG) incompatibbles avec les prérogatives du parlement fédéral. En juillet, elle avait ignoré les pressions de ceux qui mettaient en avant l'urgence de la situation et la nécessité d'actions rapides, et avait avait annoncé qu'elle repoussait de deux mois sa décision.
C'est donc finalement le 12/09/2012 que celle-ci est intervenue (5). La ratification est autorisée mais les juges ont posé deux conditions. La première est que l'engagement financier de l'Allemagne soit limité strictement à la contribution prévue par le traité (190 milliards d'euros). Toute augmentation éventuelle de cette participation devra être approuvée au préalable par le Parlement. Par ailleurs, les juges estiment que les dispositions relatives à l'inviolabilité des documents du MES et au secret professionnel de son personnel sont contraires au droit d'information du Parlement qui devra donc être informé des opérations du MES. C'est la seconde condition posée. La décision confirme l'engagement de l'Allemagne vers plus d'intégration européenne. Ce qui explique l'optimisme du communiqué de l'Eurogroupe de 14/09/2012. Ce communiqué reprend d'ailleurs les conditions posées par les juges de Karlsruhe. Il y est précisé: "Nous avons tous marqué notre accord sur le fait qu'aucune disposition du traité ne peut être interprétée comme entraînant des obligations de paiement plus importantes pour les membres du MES sans l'accord préalable de leurs représentants". Et un peu plus loin : "Nous avons également estimé que les dispositions du traité ne font pas obstacle à une information exhaustive des parlements nationaux, comme le prévoient les réglementations nationales".
Entre respect des prérogatives des états nationaux et affirmation d'une vocation fédérale, l'Union européenne progresse difficilement mais sûrement. Mais quelle est au juste la vision qui soutend les réformes réelles entreprises, au dela de la nécessité de combattre la crise des dettes souveraines et de parachever l'Union Economique et Monétaire? La question reste, encore et toujours posée et ce n'est pas la résurrection par M.Barroso de la notion de fédération d'états-nations qui va la résoudre (6).
24/09/2012
1 - Source: touteleurope [4]
2 – Projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, n° 197, déposé le 19 septembre 2012, dossier législatif sur le site de l'Assemblée nationale [5]
4 – Pierre Haski: "Les écolos et le traité européen : un « non » qui fait le grand écart [7]", Rue89, 23/09/2012
5 - Federal Constitutional Court - Press office - Press release no. 67/2012 of 12 September 2012, Judgment of 12 September 2012 [8]
6 – Débat sur l'état de l'Union au Parlement européen, 12/09/2012 [9]