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Pacta sunt servanda …mais pas pour Boris Johnson



On a vu Boris Johnson renier ses promesses et se moquer des règles y compris constitutionnelles. Mais sa dernière trouvaille laisse pantois, même dans son camp politique.

Il a en effet proposé une loi pour revenir sur certains points de l’Accord de retrait signé avec l’Union européenne et entré en vigueur le 1er février 2020. Ce projet de loi donne au Gouvernement britannique le pouvoir de prendre des mesures réglementaires en matière d’aides d’état et de contrôles douaniers des marchandises qui pourront contredire les dispositions de l’Accord de retrait et du Protocole sur l’Irlande du nord. Boris Johnson l’a justifié par la nécessité de garantir la sécurité du marché intérieur britannique qui pourrait être menacée selon lui par « une interprétation extrême ou irrationnelle du protocole nord-irlandais, qui pourrait conduire à une frontière dans la mer d'Irlande d'une manière qui serait préjudiciable à l'accord du Vendredi Saint et aux intérêts de la paix dans notre pays » (discours de Boris Johnson devant les députés, mercredi 09/09/20).  Ce faisant, le Gouvernement britannique a reconnu qu’il viole le droit international « d’une manière très spécifique et limitée", pour reprendre les termes assez stupéfiants du secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord, Brandon Lewis, le 8 septembre devant les députés.  

Le problème est qu’une violation du droit international même "limitée" reste une violation. D’aucuns feront remarquer que le droit international n’existe pas car les acteurs majeurs en sont des états souverains et que la souveraineté ne peut être limitée. Mais c’est bien parce qu’un état est souverain qu’il peut conclure des traités avec d’autres états souverains, convenant ainsi de se plier à des règles communes. De là le principe : « Pacta sunt servanda » ( ce qui a été convenu doit être respecté) que consacre la Convention sur le droit des traités signée à Vienne le 23 mais 1969 et entrée en vigueur le 27 janvier 1980 après avoir été ratifiée par le nombre d’états requis, parmi lesquels figure…le Royaume-Uni. La Convention oblige les parties à un traité à l’appliquer de bonne foi (article 26). Les états peuvent émettre des réserves avant de signer un traité. Ils peuvent également être dispensés d’exécuter leurs obligations dans un certain nombre de cas énumérés par la Convention (ex : erreur, dol, contrainte, changement de circonstances, force majeure…). Mais en cas de violation injustifiée d’un traité, l’Etat défaillant voit sa responsabilité engagée et peut faire l’objet d’un recours devant les juridictions ou instances prévues pour connaître de ce recours.

La question est de savoir si la remise en cause de certains des engagements souscrits par le Royaume-Uni est justifiée par l’une des dérogations prévues. Ce ne semble pas être le cas, malgré l’évocation par Boris Johnson de « circonstances exceptionnelles ».

La réunion d’urgence qui a eu lieu aujourd’hui, 10 septembre, entre les représentants de l’Union et les représentants britanniques s’est conclue par un constat de désaccord. Pour la Commission européenne, “Violating the terms of the Withdrawal Agreement would break international law, undermine trust and put at risk the ongoing future relationship negotiations” (violer les dispositions de l’Accord de retrait enfreindrait le droit international, saperait la confiance et mettrait en péril la poursuite des négociations sur la relation future ». (Statement by the European Commission following the extraordinary meeting of the EU-UK Joint Committee). La Commission ajoute que l’Union européenne réfute l’argument du Gouvernement anglais selon lequel le projet de loi préservera la paix en Irlande: « en fait, il est évident qu’il aura l’effet contraire ». Enfin, elle donne trois semaines au Royaume-Uni pour enlever les dispositions contestées du projet de loi et menace d’une procédure si ce n’est pas fait.

L’Accord de retrait prévoit en effet des procédures de règlement des différends. La première étape est celle d’une consultation politique au sein d'un comité mixte. Elle a donc eu lieu aujourd’hui à Londres.  Si aucune solution n'est trouvée, l'une ou l'autre partie pourra soumettre le litige à un arbitrage contraignant. Dans les cas où le différend comporte une question de droit de l'Union, le groupe spécial d'arbitrage a l'obligation de saisir la CJUE pour qu'elle rende une décision contraignante. La décision du groupe spécial d'arbitrage est elle-même contraignante et en cas de non-respect de celle-ci, des sanctions financières sont prévues.

On peut se demander, et ils sont nombreux à le faire dans les medias, pourquoi Boris Johnson agit ainsi. S’agit-il d’une diversion pour détourner l’attention de sa gestion de l’épidémie de covid, en faisant de l’Union européenne la coupable désignée d’éventuelles et probables difficultés à venir pour le Royaume-Uni ? Est-il uniquement préoccupé de sa personne et de son maintien au pouvoir, à quelque prix que ce soit ? Ou, comme le postule le correspondant à Londres du journal les echos, a-t-il une stratégie de relance de l’économie assez déterminée pour le pousser à rompre les ponts avec l’Union européenne, y compris en renonçant à un accord de libre échange ?

Quoiqu’il en soit, c’est une stratégie hasardeuse. Nancy Pelosi, la Présidente de la chambre des représentants des Etats-Unis menace d’un veto sur le futur accord commercial avec les Etats-Unis si le Royaume-Uni ne respecte pas l’Accord de retrait avec l’Union européenne. Et au dela des Etats-Unis, quel pays voudra conclure un traité avec un pays qui a renié ses engagements ? Que vaudra la signature du Royaume-Uni ?

 

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