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Le SMIC européen relancé: état des lieux du salaire minimum dans l'Union européenne

 

La Commission européenne a récemment fait ressurgir du tréfonds du cimetière des propositions oubliées, une idée audacieuse et polémique, celle d’un salaire minimum européen. Idée ancienne également sur laquelle je me souviens avoir été interviewée il y a plus de dix ans par une journaliste de l’hebdomadaire l’Express (Julie de la Brosse, Le Smic européen, ce n'est pas pour demain, publié le 03/06/2009)

A l’époque, elle paraissait bien utopique. Elle le reste mais le recours croissant de certains secteurs économiques à des travailleurs détachés d’un autre état membre a, semble-t-il, rendu la Commission moins sourde aux demandes d’harmonisation sociale.

Nous n’en sommes pas encore là cependant, et la nouvelle initiative de la Commission européenne pour limiter le dumping social et garantir aux travailleurs un niveau de revenu décent en est au tout début puisqu’il s’agit de consulter les partenaires sociaux « sur une éventuelle action visant à relever les défis liés à un salaire minimum équitable » (tel est le titre du document publié par la Commission le 14 janvier 2020). (Commission européenne, Première phase de consultation des partenaires sociaux au titre de l’article 154 TFUE sur une éventuelle action visant à relever les défis liés à un salaire minimum équitable, document de consultation, C (2020) 83 final du 14/01/2020).

L’article 154 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne attribue à la Commission la tâche de promouvoir la consultation des représentants des travailleurs et des entreprises sur les mesures qu’elle veut proposer dans le domaine de la politique sociale. Si après cette consultation, elle estime qu’une action de l’UE est souhaitable, elle présente une proposition qu’elle soumet pour avis aux partenaires sociaux.
Le document publié le 14 janvier dernier lance donc la première phase, celle de la consultation sur l’opportunité d’une intervention de l’UE dans le domaine des salaires.

Le contexte : une Europe sociale renforcée pour accompagner l’évolution économique, technologique, environnementale de nos sociétés

Dans une communication du 14 janvier 2020 (Commission européenne, Une Europe sociale forte pour des transitions justes, communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, COM (2020) 14 final du 14/01/2020), la Commission européenne explique comment la politique sociale va contribuer à relever les défis posés par les mutations que connaissent les pays européens, répondre aux nouvelles opportunités de travail tout en assurant l’équité et la justice sociales. Différents textes, dont le document de consultation sur les salaires, s’inscrivent dans ce nouvel élan donné à la politique sociale afin de mettre en application le socle européen des droits sociaux du 17  novembre 2017. Ils présentent les initiatives proposées par la Commission :Ils présentent les initiatives proposées par la Commission :

  • des salaires minimums équitables pour les travailleurs de l'UE;
  • une stratégie européenne en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations;
  • une stratégie actualisée en matière de compétences pour l'Europe;
  • une garantie actualisée pour la jeunesse;
  • un sommet sur le travail via une plateforme;
  • un livre vert sur le vieillissement;
  • une stratégie en faveur des personnes handicapées;
  • un rapport sur la démographie;
  • un régime européen de réassurance chômage.

Les mesures proposées seront réunies, une fois les consultations réalisées, dans un plan d’action qui donnera un contenu concret aux droits proclamés dans le socle des droits sociaux.  Il s’agit là d’une responsabilité partagée des états membres et des institutions de l’UE.
   

Un constat : les disparités salariales et un nombre croissant de travailleurs pauvres

Selon le principe 6 du socle européen des droits sociaux sur les salaires : «a) Les travailleurs ont droit à un salaire équitable leur assurant un niveau de vie décent. b) Un salaire minimum adéquat doit être garanti, de manière à permettre de satisfaire les besoins des travailleurs et de leur famille en fonction des conditions économiques et sociales nationales, tout en préservant l’accès à l’emploi et la motivation à chercher un emploi. La pauvreté au travail doit être évitée. c) Tous les salaires doivent être fixés d’une manière transparente et prévisible, conformément aux pratiques nationales et dans le respect de l’autonomie des partenaires sociaux.»

Or, le constat est simple et il n’est pas récent : si le nombre de personnes occupant un emploi dans l'UE s’est élevé constamment, celui des travailleurs pauvres également. La Commission estime qu’un travailleur de l’UE sur six perçoit un bas salaire c’est-à-dire un salaire inférieur aux deux tiers du salaire médian national (selon la définition donnée par l’INSEE), le salaire médian est le salaire tel que la moitié des salariés de la population considérée gagne moins et l'autre moitié gagne plus. Il se différencie du salaire moyen qui est la moyenne de l'ensemble des salaires de la population considérée). Entre 2006 et 2014, le ratio de travailleurs pauvres a augmenté passant de 16,7 % à 17,2 %, avec des hausses plus marquées dans certains pays. La pauvreté au travail, elle, a également augmenté passant de 8,1 % à 9,6 % entre 2005 et 2018. Cette dégradation touche plus particulièrement les travailleurs qui ont fait peu d’études, ont des professions liées aux services, sont employés dans de petites entreprises.

Ce sont ces travailleurs qu’il faut protéger car ils n’ont en général qu’un faible pouvoir de négociation. Le salaire minimum est un des moyens de cette protection.
   

Le salaire minimum légal dans les pays membres de l’Union européenne  

Six pays de l’UE (Suède, Finlande, Danemark, Italie, Autriche, Chypre) n’ont pas de salaire minimum. Il peut cependant y avoir un salaire minimum par branches et les salaires minimums peuvent être déterminés par une négociation des partenaires sociaux.

Dans les 22 autre pays, les écarts entre les différents Smic brut sont importants. Le montant   va de 286 euros en Bulgarie  à 2 071 euros au Luxembourg ( Eurostat, 1er semestre 2019). Des salaires inférieurs à 600 euros sont appliqués en Bulgarie, Lettonie, Roumanie, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Pologne, Estonie, Littuanie. Le Portugal, la Grèce, Malte, et la Slovénie ont un salaire minimum brut compris entre 600 euros et un peu moins de 900 euros.  Enfin les salaires minimums les plus élevés se trouvent en Espagne, en France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Irlande et Luxembourg. Mais il existe de grandes disparités puisque le salaire minimum en Espagne est de 1050 euros tandis qu’il s’élève à 2071 euros au Luxembourg (la France, elle, se situe au milieu de cette fourchette avec 1521 euros). La mesure en termes de pouvoir d’achat permet de corriger un peu cette observation. Un salarié portugais ou grec qui gagne 700 à 760 euros vivra mieux dans son pays qu’un français ayant le même salaire et vivant en France (comme le montre le graphique 4 annexé à la communication de la Commission).

La Commission en conclut que les salaires minimums peuvent favoriser un niveau de vie décent plus élevé que ne le laisse supposer l’examen des valeurs nominales.
C’est pourquoi elle préconise de mettre en place des salaires minimums et de les établir à un niveau « équitable » qui permette de réduire les écarts constatés, notamment, être les pays de l’Ouest de l’UE et les pas de l’Est.
 

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  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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