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La France ne veut toujours pas de l’accord Mercosur

 

Le Traité de libre échange de l'Union européenne avec le Mercosur est loin de faire l’unanimité. C’était le cas dans l’opinion publique. A présent, ce sont les états membres de l’UE eux-mêmes qui critiquent l’Accord et annoncent ne pas vouloir le ratifier en l’état. C’est le cas de la France.

Le 18 septembre 2020, Le Premier ministre a rendu public le rapport qui avait été commandé pour évaluer le projet d’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay).

Cet accord fait partie d’un ensemble de traités de libre échange négociés par l’Union européenne et qui font l’objet de vives contestations de la part d’ONG, de citoyens, de représentants de secteurs économiques qui dénoncent selon les cas, le danger pour les productions locales et les normes sanitaires, le non-respect de normes environnementales et/ou sociales, les risques de concurrence déloyale, des procédures de résolution des conflits permettant aux multinationales de remettre en cause des législations nationales au mépris des règles démocratiques.

Dans le cadre de l'accord sur le changement climatique, adopté lors de la conférence de Paris sur le climat (COP21) en décembre 2015 et entré en vigueur le 4 novembre 2016 dans l'Union européenne, les signataires se sont engagés à agir pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. Emmanuel Macron avait annoncé qu'il ferait du respect de l'Accord de Paris une clause essentielle des accords commerciaux de l'Union européenne. Cette proposition a été reprise par la Commission européenne dans le Pacte Vert publié au mois de décembre 2019. En aout dernier, le Ministre des affaires étrangères rappelait « Le Président de la République a publiquement déclaré à plusieurs reprises que la France ne soutiendrait pas l'accord tant que tous les pays du Mercosur ne mèneraient pas une politique environnementale conforme avec les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, notamment en matière de lutte contre la déforestation » ( Réponse publiée le Journal Officiel le 11/08/2020, en réponse à la question écrite de François Ruffin, député de La France insoumise,  Question écrite N° 24687 pubiée au JO le 26/11/2019)

Le rapport rendu public le 18 septembre n'est pas de nature à infléchir cette position. Il affirme que les mesures prévues n'offrent pas des garanties suffisantes pour assurer le principe de précaution, ni le respect des engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris, pas plus que celui des préférences européennes vis-à-vis des normes environnementales et sanitaires, des normes de travail et du bien-être animal.
C'est pourquoi, le Gouvernement a annoncé que l'Accord avec le Mercosur doit être revu afin, notamment, d'y inclure des dispositions permettant d éviter les effets délétères contre lesquels le rapport met en garde.

L'Accord ne doit pas aggraver la déforestation. L'espace forestier est déjà en voie de réduction pour accroître les terres affectées à l 'élevage et aux cultures, comme le montrent, par exemple, les images d'incendie de la forêt amazonienne au Brésil. L'augmentation de la production de viande bovine par suite de l’ouverture partielle des marchés européens contenue dans l'Accord va accélérer la déforestation importée. Selon l'évaluation faite par le comité d'experts auteur du rapport, cette accélération serait de l'ordre de 5 % par an pendant la période de six ans prévue par l'Accord pour la réduction des tarifs, par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Et encore faut-il préciser que ces valeurs ne prennent pas en compte les surfaces supplémentaires des cultures nécessaires pour l’alimentation de la viande bovine, de la volaille et, éventuellement de la canne à sucre.

L'Accord ne peut être conclu que si les politiques publiques des pays du Mercosur respectent leurs engagements au titre de l'Accord de Paris. Or l'Accord prévoit certes des clauses rappelant les obligations climatiques des pays signataires mais sans les faire relever du mécanisme de règlement des différends applicable aux autres obligations.

Les produits agroalimentaires importés bénéficiant d’un accès préférentiel au marché de l’Union européenne devront respecter les normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne. L'Accord ne le garantit pas . A contraire : selon le rapport,  « il peut augmenter les risques sanitaires en cas d'intensification des échanges et faire craindre un assouplissement de certaines normes dans le cadre du dialogue ». Des exigences liées aux modes de production devraient être incluses.

Un autre point figurant dans le rapport n'a pas été repris dans le communiqué du Gouvernement. Il concerne l'agriculture et l'agroalimentaire, secteurs européens «perdants» de l'Accord et en particulier les produits agricoles sensibles : la volaille, les viandes bovines, le sucre, l’éthanol et le miel. Dans ces secteurs, le rapport prévoit une augmentation des importations qui va fragilise les producteurs agricoles européens si elle entraîne comme on peut le prévoir des baisses de prix sur les marchés européens en raison des faibles coûts de production des produits importés. Or, souligne le rapport, la clause de sauvegarde bilatérale qui permet limiter les effets éventuellement préjudiciables de la libéralisation des échanges pour les producteurs européens de produits agricoles sensibles ne pourra pas résoudre le problème et rétablir un équilibre. Il manque un mécanisme de protection spécifique des filières de production agricole les plus exposées à la concurrence.

La France n'est pas le seul pays membre à se montrer très réticent. Or l'Accord avec le Mercosur doit être ratifié par chaque état membre. L'Allemagne, d'abord acquise à un traité qui ouvrait de nouveaux marchés à son industrie a fait volte face. Et à ce jour, deux parlement nationaux (les parlements autrichien et néerlandais) ont déjà voté contre l'Accord sous sa forme actuelle.

L'avenir du Traité avec le Mercosur est donc sérieusement remis en question.


 

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