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La France face au droit communautaire de la concurrence: les affaires Astom et Bull (2ème partie)

 

L'encadrement des aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté

S'il est vrai qu'elles rompent l'égalité entre les entreprises, les aides publiques peuvent être, au moins momentanément, indispensables à l'adaptation des entreprises au changement des conditions de la concurrence, au développement de la capacité concurrentielle de certains secteurs, à la lutte contre le chômage, ou à un développement régional équilibré. C'est pourquoi le droit communautaire de la concurrence tolère des exemptions. L'article 87, par.1 et 2 prévoit un certain nombre de cas dans lesquels les aides peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur (aides à caractère social, aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou d'autres événements extraordinaires, aides au développement régional…).

Ces dispositions ont été complétées par des communications de la Commission européenne qui précisent les hypothèses auxquelles elles sont applicables. Cela a été le cas des aides d'état au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté pour lesquelles la Commission a publié des lignes directrices (1). Les entreprises concernées sont celles qui sont condamnées à disparaître à court ou moyen terme, faute d'avoir les ressources propres pour redresser la situation, et dont la pérennité ne peut être assurée que par une aide extérieure, notamment de l'état. Les aides au sauvetage (qui doivent permettre à l'entreprise de survivre pendant une période transitoire destinée à définir un plan de restructuration ou de liquidation) doivent être considérées comme des mesures exceptionnelles, couvrant une période d'un maximum de six mois. Pour être autorisées, un certain nombre de conditions sont posées :les aides prennent la forme de garanties de crédits ou de crédits ; elles doivent être remboursées dans les douze mois suivant le dernier versement, être justifiées et ne pas avoir d'effets graves sur le marché des autres États membres, être accompagnées, lors de la notification, d'un plan de restructuration ou de liquidation. Enfin, elles ne peuvent être soumises qu'une seule fois.

Dans les cas de Bull et d'Alstom, ces règles ont été transgressées par l'état français.

 

En août, le gouvernement français notifie à la direction de la concurrence de la Commission européenne un plan de sauvetage pour sauver Alstom. La Commission refuse l'entrée de l'état dans le capital, de même qu'un prêt à long terme, en raison de leur caractère irréversible. Elle ne veut pas se trouver mise devant le fait accompli dans le cas où un examen ultérieur plus approfondi du dossier ferait apparaître qu'il y a infraction aux règles du droit communautaire de la concurrence. Un nouveau plan est présenté par l 'état français. Il prévoit que ce dernier souscrit à des titres subordonnés, l'entrée dans le capital étant suspendue à l'approbation définitive de la Commission européenne, qui n'interviendra que dans plusieurs mois.

Le cas de Bull est encore plus problématique.

En novembre 2002, la Commission européenne approuve les 450 millions d'euros octroyés par l'État français à Bull en 2001 et 2002. Ces financements sont versés dans le cadre d'un plan de sauvetage à court terme et sont assimilables à des prêts, puisqu'il s'agit d'avances remboursables, conformément aux lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. En l'occurrence, la Commission a fait preuve de souplesse dans l'interprétation des règles du droit communautaire de la concurrence . En effet, celles-ci prévoient qu'un délai de dix ans entre chaque aide publique doit être respecté. Or Bull a déjà bénéficié d'une autre aide moins de dix ans auparavant. Mais, alors que les 450 millions auraient du être rendus Trésor public français en mars 2003, à l'automne 2003, Bull n'a toujours pas remboursé l'aide. Le 1er octobre, la Commission européenne annonce qu'elle engage une procédure contre la France devant la Cour de justice. Cette procédure exceptionnelle (2) témoigne de son exaspération devant l'attitude du gouvernement français.  

Alstom, chronologie d'une crise 

12/03/2003 : Patrick Kron, PDG d'Alstom, annonce une perte de 1,4 milliards d'euros et un plan de restructuration comportant la suppression de 7000 emplois d'ici à 2005.

27/07/2003 : au bord du dépôt de bilan, P.Kron appelle l'Etat français au secours

06/08/2003 : le ministère de l'économie et des finances annonce un plan de sauvetage à 2,8 milliards d'euros avec une participation de l'Etat au capital d'Alstom à hauteur de 31,5%

08/08/2003 :notification du plan au commissaire européen chargé de la concurrence, M.Monti

17/09/2003 : refus du plan par M.Monti, notamment en raison de l'entrée de l'Etat dans le capital

22/09/2003 : M.Monti accepte le nouveau plan de sauvetage
 

 

 

 

1 - Communication de la Commission : " Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté " (Communication aux États membres avec proposition de mesures utiles, publié au Journal officiel de l'Union européenne n° C 288 du 09/10/1999)

2 - Les propos très durs de Mario Monti, commissaire européen à la concurrence sont éclairants : "C'est la première fois que la Commission entame une telle procédure pour le non-respect d'une décision positive conditionnelle (...), mais les circonstances du cas ne me laissent pas d'autre choix…Cette décision de la France de ne pas demander remboursement à Bull constitue une violation grave des règles sur les aides d'Etat et porte un coup sérieux à la crédibilité de ces mêmes règles3. Il a ajouté : " …les règles doivent être respectées ou c'est le sauve-qui-peut général et tout le monde y perdra, à commencer par le contribuable, l'emploi et la crédibilité même de l'Europe."

 

 

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  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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