Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

La brevetabilité contestée des logiciels (suite et fin de l'article)

 

La Commission européenne, par la voix du commissaire chargé du dossier, M.Bolkestein, avait exprimé devant les parlementaires son désaccord avec de nombreux amendements « aux conséquences trop larges », estimant que la proposition de directive garantit « qu’un logiciel non technique ne sera jamais breveté, mais que les inventions techniques véritables bénéficieront de la protection qu’elles méritent » (6).

La divergence entre les institutions européennes est confirmée par l’accord politique intervenu au Conseil des ministres de l’Union européenne, le 18/05/2004. Cet accord entérine un texte qui ne prend pas en compte les amendements les plus importants votés par le Parlement européen (7), notamment, les amendements qui avaient pour but de clarifier la distinction entre ce qui est brevetable et ce qui n’est l’est pas :
-36 (précisait la définition de ce qu’est une « invention mise en œuvre par ordinateur » article 2 de la proposition de directive),
-72 (introduisait une disposition pour exclure la possibilité de brevetabilité d’un programme d'ordinateur utilisé dans le cadre d'inventions mises en œuvre par ordinateur protégées par des brevets),
-76 (stipulait que l’utilisation de techniques brevetées ne peut être considérée comme contrefaçon quand elle assure l’interopérabilité de systèmes ou de réseaux ) ,
-107 (clarifiait la notion de contribution technique ou invention art2 pointb de la proporision de directive) ,
-108 (introduisait une nouvelle disposition précisant qu’il ne suffit pas qu’un ordinateur utilise des effets physiques pour traiter l'information pour que le programme s’exécutant sur cet ordinateur soit brevetable, précision qui permet d’exclure la production, la manipulation, le traitement, la distribution et la présentation de l'information même si des dispositifs techniques sont utilisés dans ce but),
-111(destiné à éviter que l’existence d’un brevet puisse empêcher le développement et la poursuite des innovations par des concurrents art5 de la propisition de directive ),
-119 ( ajouté afin que d’éviter que tout logiciel générique utilisé sur un appareil programmable avec de nouvelles caractéristiques puisse être brevetable, art5 de la proposition de directive).

L’ accord du 18/05/2004 a été officialisé le 07/03/2005 et a suscité un tollé auprès des défenseurs de logiciels libres (8). Non content d’avoir rejeté, ainsi qu’on l’a vu, des amendement significatifs, le Conseil a introduit une nouvelle disposition afin de préciser que, dans certaines circonstances et à des conditions très strictes, un brevet peut correspondre à une revendication pour un programme d'ordinateur, seul ou sur support.

Le 06/07/2005, un vote du Parlement européen a clos le dossier. Le Parlement a rejeté à une très large majorité (648 voix pour, 14 contre et 18 abstentions), la proposition de directive. Ce rejet en deuxième lecture met fin à la procédure législative de codécision et ainsi à la directive car la Commission a annoncé qu’elle ne ferait pas de nouvelle proposition. La situation actuelle resterait donc inchangée. Or, s’il est un point sur lequel les parties antagonistes sont d’accord, c’est bien pour convenir qu’elle n’est pas satisfaisante…

Le dossier de la brevetabilité des logiciels illustre bien la façon dont sont prises les décisions au niveau de l’Union européenne, le rôle joué par les lobbies et l’équilibre des pouvoirs entre les institutions . Le Parlement européen apparaît comme un contre pouvoir au Conseil et à la Commission, rôle que le traité établissant la Constitution européenne développe en accroissant ses pouvoirs.

 

14/03/2005, actualisé le 08/07/2005



Plus d’informations sur les enjeux de la directive:
Site de l'Alliance eurolinux: www.eurolinux.org
Site de l’Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre (APRIL) :
www.april.org
Site de l’association pour une infrastructure informationnelle libre (FFII)
www.ffii.org



 


6 - Intervention devant le Parlement européen, débat du 23/09/2003

7 - Question orale avec débat O-0055/04, de Daniel Cohn-Bendit, Evelin Lichtenberger et David Hammerstein Mintz, au nom du groupe Verts/ALE ; réf du document : P6_B(2004) 0020

 

8 - Qui dénoncent en outre une violation des règles de procédure du Conseil

9 - Voir sur ce site: La procédure de co-décision

 

 

Les PLus

 

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Jurisprudence

 

  • Commentaires de décisions de la Cour de Justice de l'Union Européenne et d'arrêts du Tribunal,
  • Conclusions des avocats généraux

 

 

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