Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Quel marché unique pour demain? (2)

 

Comment les règles communautaires s’appliquent-elles aux services et aux services sociaux d'intérêt général? Et comment promouvoir la qualité des services sociaux dans l'Union européenne? Pour répondre à ces questions, la Commission européenne présente une communication sur les services d'intérêt général, y compris les services sociaux d'intérêt général.

L’ objet est, tout d’abord,  de clarifier la façon dont les règles communautaires de concurrence en vigueur s’articulent avec l’organisation et la fourniture des services d'intérêt économique général (c’est à dire ceux qui sont fournis contre paiement comme les télécommunications, l'énergie, le transport et les services postaux). On se souvient en France, mais pas seulement, d’affaires récentes dans lesquelles la Commission a mis en cause la légalité d’aides publiques accordées à des opérateurs comme la Poste.

La communication propose, également, de promouvoir la qualité des services sociaux, comme le logement social, la garde d'enfants, l'aide aux familles et aux personnes dans le besoin qui devraient faire l’objet d’une stratégie.

En revanche, la Commission européenne n’envisage pas de présenter de proposition législative pour définir un statut européen des services d’intérêt général.

De l’avis des partisans d’une législation communautaire, celle-ci  permettrait de donner une sécurité juridique en clarifiant les notions de services économiques d’intérêt général dont les règles d’organisation et de fourniture sont soumis aux règles communautaires de la concurrence et de services d’intérêt général (non économiques) soustraits à ces règles. Actuellement, la détermination du caractère économique ou non d’une activité de service d’intérêt général résulte d’une analyse au cas par cas, sur la base des principes dégagés par la jurisprudence européenne qui retient comme critère non le statut de l’entreprise assurant un service, non son mode de financement mais la nature de l’activité à partir d’éléments d’appréciation tels que l'existence d'un marché, de prérogatives de puissance publique ou d'obligations de solidarité, l’existence d’une rémunération. Dans cette acception une distinction peut être opérée parmi les activités assurées par une même entreprise, certaines étant de nature économiques d’autres non. D’où une approche sectorielle et non transversale des services publics (exemples : directives postale, télécommunications, gaz, électricité, etc…).  On retrouve également cette  approche sectorielle dans le traitement des services sociaux et de santé dont la Commission européenne concède toutefois qu’ils sont dans une « situation particulière » au terme de différentes communications et consultations  (1).

Sur les services de santé, la Commission confirme qu’elle proposera une législation communautaire  cadre pour des services de santé transfrontaliers, rappelant une fois de plus que l’Union européenne ne s’immiscera ni dans l’organisation, ni dans le financement ni dans la fourniture de services de santé et de soins médicaux qui sont de la compétence des états.

Sur les services sociaux, afin de rassurer les autorités publiques et notamment locales qui sont souvent en charge de ces services, la Commission « s 'engage à fournir des explications sur les règles applicables » . Mais il n’est pas certain que ces tentatives de clarifier le sujet soient suffisantes, car l’hypothèque est loin d’être levée sur les services sociaux. Certes,  la Commission reconnaît qu’ils sont  souvent importants pour la réalisation d’objectifs qui sont également ceux de l’Union européenne comme la cohésion sociale, économique et territoriale ou un niveau élevé d'emploi, d'inclusion sociale. Mais elle considère qu’ils n’en ont pas moins dans certains cas, selon les critères appliqués, une nature économique ce qui les fait alors entrer dans le champ d’application du droit communautaire. Dès lors, la Commission privilégie l’analyse « au cas par cas » pour déterminer l’impact des règles communautaires sur leur fonctionnement.

A cette vision qualifiée de « pragmatique » (mais que l’on pourrait aussi juger opportuniste, voire idéologique), s’en oppose une autre qui met l’accent sur la nécessité de donner un cadre  aux services publics afin de stabiliser des notions fluctuantes et garantir les droits des usagers à la continuité et à l’égal accès à ces services. Dans cette conception, les règles communautaires de concurrence ne doivent pas s’appliquer à certains services jugés fondamentaux  pour l’intérêt général (cohésion sociale, territoriale, développement durable…) , dans la mesure où ces règles peuvent compromettre leur fonctionnement et mettre en péril leurs objectifs  (notamment en termes d’accès de tous les citoyens à ces services).

Mais malgré les appels des acteurs du secteur social et  des collectivités territoriales (2), malgré la pétition lancée par la Confédération européenne des syndicats (CES) (3), la Commission a préféré faire la sourde oreille en s’abritant derrière les notions de subsidiarité et le nouveau cadre communautaire résultant du traité modificatif.

Selon elle, les nouvelles dispositions du traité modificatif (article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union et protocole n°9 sur les services d'intérêt général) constituent « un cadre transparent et fiable au niveau de l'Union européenne ». Le protocole dispose : « Les hautes Parties contractantes souhaitant souligner l'importance des services d'intérêt général, sont convenues des dispositions interprétatives ci-après, qui sont annexées au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne:

Article premier

Les valeurs communes de l'Union concernant les services d'intérêt économique général au sens de l'article 14 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne comprennent notamment:

- le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et  locales dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs;

- la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes;

- un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs;

Article 2

Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général ».

Ce protocole est cependant jugé insuffisant par les partisans d’une législation communautaire plus détaillée, car il laisse subsister selon eux, trop d’incertitudes et confère à terme à la jurisprudence le soin de combler les lacunes.  Mais observe l’AFCCRE « La jurisprudence, qui est seulement une solution à un cas concret, et qui évolue en permanence, ne peut pas combler la carence législative de la Commission qui est en devoir, après le Traité de Lisbonne, de proposer une Directive-cadre ».

Le problème est qu’il ne semble pas y avoir de vision commune du service public et que l’Union européenne peine toujours à tracer sa voie entre les partisans du grand marché et du tout libéral et ceux d’une Europe plus sociale. La Commission européenne a beau jeu alors de tirer argument des dissensions des états, et du silence des citoyens (un peu plus de 520 000 signatures seulement pour la pétition de la CES lancée il y a un an )  pour refuser de présenter une législation.

10/12/2007

 

 


 

1- Voir sur ce site :

Quelles règles pour les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne?

Libre choix des soins de santé dans l'Union européenne

2 - EUROPE : LES COLLECTIVITES TERRITORIALES N'ONT PAS ETE ENTENDUES SUR LES SERVICES PUBLICS ! LA COMMISSION EUROPEENNE NE RESPECTE PAS L'ESPRIT DU TRAITE DE LISBONNE, ET SE SERT DU PROTOCOLE COMME D'UN ALIBI ! communiqué de l’AFCCRE (Association française du Conseil des Communes et Régions d’Europe)   du 20/11/2007

3 - Confédération européenne des syndicats (CES) POUR DES SERVICES PUBLICS DE QUALITÉ, ACCESSIBLES À TOUS

 

En savoir plus:

Communication sur les services d'intérêt général

( Ce texte constitue un outil de documentation n'engageant pas la responsabilité des institutions européennes. Seule fait foi la législation européenne qui est publiée dans les éditions papier du Journal Officiel de l'Union Européenne).

 

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