Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Concurrence très faussée

 

Plus de 1,3 milliards d’euros, telle est l’amende décidée par la Commission européenne pour sanctionner des entreprises coupables d’avoir violé les règles du droit communautaire de la concurrence en concluant des accords de partage des marchés et d’avoir échangé des informations sensibles, ententes contraires à l’article 81 du traité de la Communauté européenne.

Compte tenu du montant de l’amende et de la notoriété des entreprises impliquées, l’affaire a fait grand bruit et a été annoncée par la Commission européenne le 12/11/2008 avec une solennité particulière rappelant les grandes heures du bras de fer avec Microsoft, autre entreprise ayant subi les foudres du gendarme européen de la concurrence (1). Entre 1998 et  2003, quatre grands producteurs de verre automobile, Asahi, Pilkington, Saint-Gobain et Soliver se sont entendus pour contourner les règles de concurrence. Les quatre entreprises en cause contrôlaient, à l'époque, approximativement 90 % des ventes de verre utilisé dans l’Espace Economique Européen pour les véhicules neufs ainsi que pour les pièces de rechange d'origine destinées aux véhicules automobiles, soit un marché représentant de l’ordre de  2 milliards € la dernière année complète de l'infraction, rappelle la Commission européenne. Le récit des faits pourrait faire penser à un roman d’espionnage. L’origine de l’enquête lancée par la Commission est une dénonciation anonyme. Les informations données dans cette dénonciation paraissent assez fiables à la Commission pour qu’elle décide d’ouvrir une procédure en 2005 et de réaliser des visites surprises comme elle en a la prérogative (2) sur plusieurs sites de producteurs de verre automobile en Europe. A l'issue de ces inspections, l'entreprise japonaise Asahi Glass Co. et sa filiale européenne AGC Flat Glass Europe (anciennement «Glaverbel») présentent une demande au titre de la communication sur la clémence de 2002. En d’autres termes, elles acceptent de coopérer avec la Commission européenne, en échange d’une réduction des amendes dont elles seraient passibles, réduction qui peut aller…jusqu’à 100%. C’est ainsi que les agents de la Direction Générale de la concurrence apprennent que les représentants des sociétés incriminées se réunissaient dans des lieux tels que des aéroports et hôtels de différentes villes européennes pour se répartir les livraisons de verre automobile qui équiperaient les modèles de voitures en cours de production, se concertaient sur la renégociation des contrats en cours, et échangeaient des informations « commercialement confidentielles et lucratives ».

La sanction, lourde car reflétant « l’importance économique générale de l’infraction », est modulée selon les entreprises participantes. En récompense de ses bons services, Asahi se voit accorder une réduction de 50 % du montant de l'amende. A l’inverse Saint- Gobain « écope » d’une amende de 896 000 000 euros soit plus des deux tiers du total. L’importance de la somme s’explique par le fait que Saint-Gobain n’en est pas à sa première infraction mais a récidivé, circonstance aggravante qui justifie, au terme des règles européennes, une majoration de la sanction (3). Et, comble de disgrâce, les entreprises incriminées, et plus particulièrement Saint-Gobain,  se sont vues fustigées en public par une Neelie Kroes (commissaire européenne en charge de la concurrence), très pugnace : « Le montant total des amendes est élevé en raison de l'étendue du marché, de la gravité de l'affaire et des infractions commises antérieurement par Saint-Gobain. L'importance des amendes infligées par la Commission s'explique par le fait que cette dernière ne peut et n'a pas l'intention de tolérer les comportements illicites de ce genre. Les dirigeants et les actionnaires des entreprises qui portent préjudice aux consommateurs et à l'industrie européenne en participant à des ententes doivent l'apprendre à leurs dépens: s'ils trichent, ils se verront infliger de lourdes amendes.»

Effectivement, les consommateurs, l’économie globale et l’innovation paient les conséquences de la concurrence faussée. En l’espèce les concurrents des entreprises sanctionnées se voyaient évincés du marché, les constructeurs automobiles devaient en passer par les tarifs et les produits imposés par lesdites sociétés et au final le consommateur réglait la facture. La concurrence faussée est une rente de situation pour seulement quelques  entreprises.

Les amendes versées iront abonder le budget communautaire. Toute personne ou entreprise qui aura été lésée par les pratiques anticoncurrentielles sanctionnées pourra porter l’affaire devant les tribunaux des États membres pour obtenir des dommages et intérêts. Récemment la Commission européenne a engagé une réforme des règles pour permettre une meilleure indemnisation des victimes de la concurrence faussée qui permettrait notamment les recours collectifs de consommateurs.

Saint-Gobain, elle, a décidé de contester la décision de la Commission devant la justice européenne.

 

21/11/2008

 

 


1 - Dossier sur le site

2 - Questions/ Réponses, FAQ sur le droit communautaire de la concurrence 

3 - Voir sur ce site, l'article : "Des amendes plus lourdes pour les entreprises récidivistes coupables d'ententes"

 

 

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