Information et veille juridique en droit de l'Union européenne

Qui contrôle l'internet ?

 

Cette question était la toile de fond du Sommet sur la société de l’information organisé  à Tunis du 16 au 18 novembre 2005.           

En 2001 (1), l’Assemblée générale des Nations-Unies, reprenant  une initiative de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), a décidé l’organisation d’un Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Il a pour objectif de développer une « vision commune » des nouvelles perspectives économiques, sociales et culturelles ouvertes par les technologies de l’information et de la communication (TIC), et de mettre en place une stratégie pour permettre le développement d’une société de l’information accessible à tous, en réduisant la fracture numérique. Les travaux se sont déroulés en deux phases. La première a été conclue par le sommet de Genève des 10 au 12 décembre 2003 au cours duquel ont été adoptés une déclaration de principe et un plan d’action reposant sur de nouveaux partenariats entre secteur public et secteur privé. Le Sommet de Tunis a pour objectif de faire le point sur l’avancement du plan d’action et sur les résultats obtenus.

Mais une question centrale a occupé participants et commentateurs, celle de la gouvernance de l’internet et plus particulièrement le point de savoir qui a la maîtrise d’un aspect clé de l’infrastructure d’internet, celui de l’attribution des adresses (noms de domaines : DNS) qui permettent aux ordinateurs et des réseaux de se trouver et d’entrer en contact.

Actuellement, l’internet est géré  au niveau mondial par des ordinateurs (les serveurs) situés en grande majorité aux Etats-Unis et des organismes qui assurent son fonctionnement. Parmi eux, c’est une société californienne à but non lucratif,  l’ Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), qui administre l’attribution des noms de domaine , en vertu d’un accord avec le gouvernement des Etats-Unis. L’ICANN délègue des parties de cette gestion du net à des organismes associés nationaux. Tout se déroule sous le contrôle du département du Commerce  américain, qui a un droit de veto sur les choix de l'Icann, et donc, in fine, décide de la création de nouvelles extensions, qu’il s’agisse des suffixes d’extension par pays (ex : .fr) ou génériques (ex : .com, .info…).

Dès lors, la question est la suivante : si l’on considère, à l’instar de nombreux états et de l’Union européenne,  qu’internet, outre l’importance stratégique et économique croissante qu’il revêt pour les pays, est une ressource mondiale commune, comment peut-on laisser un seul état le contrôler ? Et que se passerait-il si les Etats-Unis décidaient de bloquer l’accès à des sites ou l’échange des courriers électroniques ? (3).

L’ accord entre les Etats-Unis et l’ICANN arrive à son terme à l’automne en 2006. L’ICANN y gagnera-t-elle son indépendance ? Placera-t-on l’internet sous le contrôle de l’ONU comme le veulent certains états, ce qui reviendrait à restaurer un contrôle étatique ?

L’ Union européenne défend une position médiane . Elle ne remet pas en cause le rôle de l’ICANN qui « fait un très bon travail » selon les termes de la Commission (3). Mais elle doit devenir indépendante, car il n’est pas souhaitable que les états aient leur mot à dire dans la gestion journalière de l’internet,  l’objectif étant précisément de parvenir à ce que les états n’interviennent pas dans cette gestion. Toujours selon  l’Union européenne, ils doivent se concentrer sur les principaux enjeux de politique d’intérêt général : la définition des grands principes de gouvernement du net, de sa régulation (lutte contre le spam, le cyber crime), de même que l’accès libre à l’internet et à ses fonctions, doivent associer tous les états  dans le cadre d’un forum international.

Mais l’accord intervenu le 15/11/2005 donne gain de cause aux Etats-Unis. Certes, il prévoit la création du forum international (Internet Governance Forum : IGF). Mais les Etats-Unis gardent le contrôle de la gestion des noms de domaines internet, mais les états auraient un contôle sur leur propre suffixe (4). Selon la commissaire européenne chargée de la société de l'information et des médias, «les textes qui viennent d’être adoptés à Tunis …ouvrent la voie à une internationalisation progressive de la gouvernance de l’internet ». L’avenir dira si cette conclusion optimiste est justifiée, en particulier si les forums parviennent à s’imposer comme un point de passage obligé.

Le premier forum international doit se réunir en Grèce début 2006. Il  regroupera des représentants des représentants des  gouvernements, des milieux économiques, des techniciens, des défenseurs des droits de l'homme.

17/11/2005

 

Pour aller plus loin:

Site du Sommet


1 - Résolution 56/183 du 21 décembre 2001

2 - L’Icann et le gouvernement nord-américain balaient ces craintes d’un revers de la main les qualifiant de fantasmes , en rappelant que le  gouvernement n’a pas de rôle de gestion directe   mais « seulement » un rôle de supervision et d'autorisation. C’est pourtant une prérogative essentielle.

3 - Commission europpéenne: “ World Summit on the Information Society in Tunis,Internet Governance: Frequently asked questions” , memo /05/428 du 15/11/2005. Voir aussi: " Initial comments by the European Union and the acceding countries Romania and Bulgaria, on the report of the Working Group on Internet Governance” , Document WSIS-II/PC-3/CONTR/19-E, 01/08/2005

4 - Commision européene: "Les négociateurs de l’UE abordent la question de l’internationalisation progressive de la gouvernance de l’internet au sommet mondial sur la société de l’information à Tunis" IP/05/1433, 16/11/2005

 

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