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La Commission propose un renouveau économique de l'Union européenne

 

La crise dans la zone euro a généré et continue de générer une activité législative intense pour tenter d'armer l'Union européenne dans la tourmente qu'elle traverse. La Commission européenne veut impulser un renouveau économique après avoir identifié trois défis "indissociables" auxquels sont confrontées l'Union européenne et la zone euro:

- la faiblesse générale des performances en matière de croissance et d'emploi,

- le manque de coordination et de discipline des politiques budgétaires,

- l'instabilité des marchés de la dette souveraine souffrant d'un manque de liquidité.

La proposition la plus remarquée parmi le paquet de mesures proposé le 23/11/2011 est la création d'euro-obligations.

 

Mutualiser le recours à l'emprunt: les euro-obligations

Dans un livre vert sur les obligations de stabilité, la Commission propose de créer des euro-obligations afin de stabiliser le marché de la dette souveraine (1). Ces "obligations de stabilité" permettraient à tous les états membres de la zone euro de se financer. Elle propose trois modalités qu'elle compare pour en faire ressortir les conséquences en termes de coûts de financement des états membres, d'intégration financière européenne, de stabilité des marchés financiers et d'attractivité internationale des marchés financiers de l'UE. Les deux premières sont une "socialisation" des dettes.

La première option, qualifiée de la plus ambitieuse par la Commission européenne, prévoit de remplacer totalement les emprunts nationaux par des euro-obligations. Chaque état serait ainsi engagé. Selon la Commission, cette option aurait un effet positif important sur l'intégration et la stabilité du marché. Mais, en éliminant la pression liée à l'évolution des taux auxquels empruntent les états, elle présente un risque élevé (traduction: que les pays moins "vertueux" en profitent pour mener des politiques fiscales irresponsabes en laissant "filer'" les dépenses) et d'autre part nécessiterait d'importantes modifications des traités.

La deuxième propose de substituer seulement une partie des émissions nationales par des titres européens. Pour l'essentiel, le principe (mutualisation de la dette) est le même que dans l'option précédente mais il ne couvre qu'une partie des besoins en financement des états. Ceux-ci pourront donc contiunuer à émettre leurs propres obligations pour la partie non couverte par les euro-obligations. De ce fait, ils seront toujours soumis aux conditions des marchés qui reflèteront la confiance de ceux-ci dans leur solvabilité, ce qui réduit les risques présentés par la première option.

La troisième option est de créer des obligations communes, garanties par chaque Etat seulement à hauteur de sa part respective de dette. Il s'agit de l'option la moins mutualisée, dans la mesure où, comme dans la deuxième, elle ne permet de copuvrir qu'une partie des besoins en financement des états et où, de plus, la partie couverte ne le sera que sous garanties. Cette option est la plus facile à mettre en oeuvre, selon la Commission, mais elle est celle dont les effets sur la stabilité du marché de la dette seraient les plus limités.

La proposition de créer des euro-obligations se heurte au veto de l'Allemagne qui craint qu'elle déresponsabilise les états en leur faciliant l'accès à des crédits à des taux très bas, et les empêche de faire des réformes pour assainir leurs finances publiques. C'est pourquoi, dans le but de rassurer cette dernière, le commissaire Olli Rehn, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, a rappelé que la création d'euro-obligations, quelle que soit sa forme, doit s'accompagner d'un renforcement du contrôle de la discipline budgétaire et d'une coordination des politiques.

 

Discipliner les états pour éviter les dérives: renforcement de la coordination et de la surveillance budgétaire

Deux règlements sont proposés afin de renforcer la coordination et la surveillance budgétaire dans les états membres de la zone euro, plus particulièrement ceux qui ont déficit excessif, qui se trouvent en situation d'instabilité financière ou risquent d'y être, ou enfin, qui bénéficient d'un programme d'assistance financière.

Le premier texte renforce la surveillance des politiques budgétaires (2): les pays devraient présenter leurs projets de budget à la même période chaque année. La Commission aurait le droit de les analyser et, éventuellement, d'émettre un avis, et même, de demander leur révision si elle estime qu'ils violent des obligations fixées par le pacte de stabilité et de croissance. Ces avis seraient portées à la connaissance du grand public pour que la transparence soit assurée. Le règlement prévoit aussi un suivi plus étroit et des obligations d'information pour les pays de la zone euro qui sont soumis à une procédure pour déficit excessif. Enfin, tous les États membres de la zone euro auraient l'obligation de mettre en place des conseils budgétaires indépendants et de fonder leurs budgets sur des prévisions indépendantes.

Le second texte proposé par la Commission s'aplique plus particulièrement aux pays de la zone euro confrontés à une instabilité financière grave ou menacés de l'être, sur lesquels la surveillance s'intensifie (3). Ce serait à la Commission de décider si un État doit faire l'objet d'une surveillance renforcée et le Conseil pourrait l'inciter à demander une assiantance financière.

 

Relancer l'économie : des priorités pour retrouver le chemin de la croissance

Enfin, un instrument d'audit est présenté par la Commission: l'examen annuel de la croissance 2012 dont le principal enseignement est que la dégradation de la situation économique et sociale rend plus que jamais nécessaire d'intensifier "les efforts pour remettre l'Europe sur les rails et soutenir la croissance et l'emploi" (4). Pour ce faire, la Commission identifie cinq priorités qui vont guider l'action de l'UE dans l'année à venir: la poursuite d'un assainissement budgétaire différencié et propice à la croissance, la reprise des activités normales de prêt à l'économie, la promotion de la croissance et de la compétitivité, la lutte contre le chômage et les conséquences sociales de la crise, ainsi que la modernisation de l’administration publique.

Cet audit (appelé dans le jargon communautaire EAC 2012) est le point de départ du second semestre européen sur la gouvernance économique. Il doit être à présent examiné par les États membres et les institutions de l'UE, notamment en vue du Conseil européen des 1er et 2 mars 2012. C'est à ce moment là que les programmes nationaux de réforme (sur les réformes structurelles) et les programmes de stabilité et de convergence (consacrés aux politiques budgétaires) seront présentés par les états. La Commission espère qu'en présentant l'EAC 2012 bien avant la date qui était prévue (janvier 2012) les états auront le temps de mieux élaborer ces programmes. La Commission présentera ensuite des recommandations par pays en fonction des priorités formulées. C'est en 2012 que les nouveaux dispositifs de surveillance prévus das le paquet gouvernance seront utilisés pour la première fois.

 

Un accueil réservé

La proposition de création d'euro-obligations est celle qui a suscité le plus de commentaires.

Certains sont favorables. D'autres beaucoup moins.

Au Parlement européen, les députés de la commission des affaires économiques et monétaires se sont dits très "mitigés" sur les trois options proposées par la Commission lors d'une réunion, le 23/11/2011 avec le commissaire Rehn. Certains députés ont demandé plus d'informations sur le contenu et le calendrier de ses propositions. D'autres ont dénoncé le manque de légitimité démocratique qui caractérise la procédure de renforcement de la discipline budgétaire et de surveillance des budgets nationaux proposée par la Commission en relation avec la création des euro-obligations. Les députés demandent que toutes les mesures liées aux euro-obligations soient soumises à l'approbation du Parlement européen, et que les gouvernements nationaux fassent approuver leurs engagements par leurs parlements nationaux.

Sur le plan technique, la création d'euro-obligations n'apparaît pas être la solution pour certains commentateurs dont certains vont même jusqu'à donner une vision apocalyptique des méfaits qui en résulteraient : "expropriation forcée de l'épargne", faillite des assurances, banques "au bord du gouffre" , explosion de la charge des intérêts et alignement de la note de la dette souveraine sur celle du pays le plus faible, donc CC! (5) . Sans aller jusqu'à adopter un ton aussi alarmiste, d'autres, comme les eurodéputés verts jugent les propositions "vouées à l'échec sans une union économique et fiscale réelle et un véritable contrôle démocratique".

Du côté des états, l'Allemagne a réitéré son opposition le 24/11 appuyée par Marion Monti le nouveau premier ministre italien. Même prise de position de la part du Premier ministre finlandais pour qui « Il faut trouver une solution durable à la crise. Les pays de la zone euro doivent respecter le pacte de stabilité et de croissance avant que l’on puisse envisager des euro-obligations ».

28/11/2011

 


1 - COM(2011) 818 final GREEN PAPER on the feasibility of introducing Stability Bonds

2 - COM(2011) 819 final, Proposal for a REGULATION OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on the strengthening of economic and budgetary surveillance of Member States experiencing or threatened with serious difficulties with respect to their financial stability in the euro areauro

3 - COM(2011) 821 final, Proposal for a REGULATION OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on common provisions for monitoring and assessing draft budgetary plans and ensuring the correction of excessive deficit of the Member States in the euro area

4 - COM(2011) 815 final, COMMUNICATION DE LA COMMISSION, Examen annuel de la croissance 2012

5 - Euro-obligations: Coup de grâce pour la zone Euro, 24/11/2011

6 - Euro-obligations et surveillance budgétaire

7 - Revue de la presse de l'ambassade de France en Finlande, du 24/11/2011, Politique étrangère et européenne Union européenne - Crise de la dette, Non aux euro-obligations

 

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