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La Commission européenne propose de taxer les transactions financières

 

Il faut décidément que le monde soit sens dessus dessous pour que la libérale Commission européenne dirigée par le prudent M.Barroso en soit arrivée à se rallier à une proposition phare des altermondialistes : la taxation des transactions financières également connue sous le nom de taxe Tobin. Elle s’est tout de même fait distancer par le Parlement européen qui a apporté son soutien à une telle taxe dans différentes résolutions dont la dernière date du 08/03/2011 (voir l'article: la petite musique du Parlement européen ) et par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel qui ont appelé à sa création lors de leur rencontre du 16/08/2011 (voir l’article : Beaucoup de bruit pour peu ).

Mais, quoiqu’il en soit, la proposition de directive présentée par la Commission le 28/09/2011 reste un événement remarquable.

Tout aussi remarquables sont les raisons présentées pour justifier cette taxe. La Commission nous explique, et l’on croirait presque lire Arnaud Mondebourg, qu’il s’agit de « garantir que le secteur financier, qui a joué un rôle à l'origine de la crise financière, apporte une contribution équitable alors même que les États membres procèdent à l'assainissement des finances publiques. Ce sont les gouvernements et les Européens dans leur ensemble qui ont pris en charge les coûts élevés des renflouements du secteur financier sur fonds publics. Ce secteur est par ailleurs actuellement moins lourdement taxé que d'autres. La taxe proposée génèrerait de nouvelles recettes fiscales considérables prélevées sur le secteur financier pour contribuer aux finances publiques ».

De fait, la dette publique est passée de moins de 60 % du PIB en 2007 à 80 % pour les années à venir dans tous les États membres. La raison en est en partie le soutien financier accordé au secteur financier pour le renflouer pendant la crise (4 600 milliards d'euros ont été engagés par les états membres), à quoi il faut ajouter de faibles taux d'imposition ces dernières années et d'un avantage fiscal annuel d'environ 18 milliards qui résulte de l'exemption de TVA dont jouissent les services financiers (en raison, explique la Commission, des difficultés à déterminer la base imposable).

La deuxième raison majeure ajoute la Commission est qu’il est nécessaire d’établir « un cadre coordonné au niveau de l'UE » pour renforcer le marché unique de l'Union car plusieurs états membres ont déjà mis en place une taxe sur les transactions financières sous différentes formes (2). Il s’agit donc d’harmoniser ces diverses taxes et d’introduire de nouveaux taux de taxation pour « réduire les distorsions de concurrence sur le marché unique, décourager les transactions à risque et compléter les mesures réglementaires destinées à éviter de nouvelles crises ». Enfin, en adoptant une taxe sur les transactions financières l’UE « montrerait la voie » pour l'adoption de règles communes concernant l'introduction d'une telle taxe à l'échelle mondiale.

Les principales caractéristiques de la taxe proposées sont les suivantes :

Elle serait prélevée sur toutes les transactions sur instruments financiers entre institutions financières (les particuliers et les entreprises ne seraient pas touchés) lorsqu'au moins une des parties à la transaction est située dans l'UE. Pour éviter un contournement de la directive, la Commission européenne a proposé une définition très large des établissements financiers : les banques, les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les entreprises d’assurance, les organismes de placement collectif et leurs gestionnaires, les fonds d'investissement alternatifs (comme les fonds spéculatifs), les fonds de pension, les entreprises de crédit-bail et les entités de titrisation …

Pour réduire le risque de délocalisation, toute transaction financière à laquelle participe un résident de l'UE serait taxée, même si elle est réalisée en dehors de l'Union. La taxe serait en effet fondée sur le principe de la résidence fiscale de l'établissement financier ou du trader : l'imposition aurait lieu dans l’état membre où la succursale de l’établissement financier participant à la transaction est réputé situé.

La taxe s’appliquerait aux transactions sur des produits financiers comme les actions, les obligations, les produits dérivés et les produits financiers structurés, qu’elles soient réalisées sur des marchés organisés ou de gré à gré. Elle ne s’appliquerait pas aux prêts hypothécaires, aux crédits bancaires, aux contrats d'assurance et, plus généralement, aux activités financières « normales » de particuliers ou de petites entreprises.

L'échange d'actions et d'obligations serait taxé à un taux de 0,1 % et les contrats dérivés à un taux de 0,01 %. Mais les états pourraient appliquer des taux plus élevés s’ils le souhaitent.

Les recettes qui sont estimées à environ 57 milliards d'EUR par an seraient partagées entre l'UE et les États membres. Une partie de cette taxe serait utilisée en tant que ressource propre de l'UE, en remplacement partiel des contributions nationales.

La taxe serait recouvrée de la manière suivante : elle serait payée immédiatement aux États membres par les établissements financiers, sur la base des transactions effectuées, avant compensation et règlement. Pour les transactions réalisées par voie électronique (le cas normal), la taxe serait payée le jour où elle devient exigible ou à défaut, dans un délai de trois jours ouvrables, pour permettre le traitement manuel des transactions, tout en évitant des avantages de trésorerie indus. Les établissements financiers redevables de la taxe devraient déposer une déclaration auprès des autorités fiscales. Afin d’éviter la fraude, les états devraient prendre des mesures telles que l'enregistrement des établissements financiers, et imposer des exigences en matière de comptabilité et de fourniture d’informations pour assurer le paiement de la taxe, le maintien des données utiles sur les transactions financières à la disposition des autorités fiscales et la vérification du paiement correct de la taxe.

La taxe prendrait effet à partir du 01/01/2014.

La proposition sera examinée par le Conseil et présentée par la Commission lors du sommet du G20 les 3 et 4 novembre. Mais il reste à la directive à être adoptée et cela ne va pas de soi, car le Royaume-Uni en particulier n’en veut pas, alors que, pourtant, ce pays pratique une taxation des transactions financières. Une solution pour surmonter cette opposition serait alors d’appliquer la taxe sur les transactions financières dans la zone euro.

 

03/10/2011

 

 


1 – Proposition de directive du Conseil établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE , du 28/09/2011, COM(2011) 594 final

2 – Par exemple : Stamp Duty Reserve Tax au Royaume-Uni qui consiste à prélever 0,5 % sur l’achat d’actions des sociétés résidentes ou cotées dans le pays (taxe fonctionnant comme un droit de timbre ou un droit d’enregistrement prélevé sur certaines transactions) ; Stamp duty de 0,15 % sur les actions et obligations échangées en Bourse instauré en Belgique ; taxe de 2 % sur certaines valeurs mobilières à Malte. Voir l e débat à l’Assemblée nationale française sur l’ introduction d'une taxe sur les transactions financières en Europe, débat, deuxième séance du 09/06/2011

 

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