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Les défis du budget européen (2ème partie)

 

Le Parlement européen veut un budget plus ambitieux

La résolution du 25 mars 2010 présentant les priorités budgétaires du Parlement met l’accent sur les programmes européens de recherche-développement et des réseaux de transport, et sur la nécessité de financer de façon suffisante l’action extérieure de l’Union européenne. Une attention particulière doit être portée, selon les eurodéputés, aux investissements et programmes en faveur des jeunes et à la lutte contre le changement climatique.

Pour les eurodéputés, il faut financer les besoins budgétaires nouveaux liés notamment aux compétences nouvelles de l’Union.

Ce qui laisse augurer de passes d’armes avec le Conseil, les états étant sur une position défensive d’économies, le Parlement au contraire privilégiant le financement de politiques qu’il considère d’avenir et défendant, avec logique, la nécessité de mettre en rapport tâches nouvelles et financements pour les exercer.

Nous assisterons donc cet automne à une bataille entre un Parlement qui veut augmenter le budget européen pour donner l’Union les moyens nécessaires pour assumer ses responsabilités (et non pas comme le croient naïvement beaucoup de victimes de la désinformation ambiante pour payer « grassement » ses fonctionnaires) (3) et des états qui cherchent les économies de bouts de chandelle sans vision autre que comptable.

Dans ces conditions, le blocage budgétaire est à craindre. Car la question qui se pose aujourd’hui c’est bien celle des ressources de l’Union européenne, ressources aujourd’hui insuffisantes et trop étroitement dépendantes des états. Il faut donc que l’Union européenne retrouve des recettes autonomes, des ressources propres, comme c’était le cas lors de la création des communautés d’origine.

 

Le nœud du problème: des recettes propres insuffisantes

Lors de la création des trois communautés européennes (Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) dès 1951, Communauté économique européenne et Communauté européenne de l’énergie atomique en 1957), les fondateurs de celles-ci avaient décidé de d’alimenter leur budget par des ressources propres.

En 1970, le budget communautaire était financé par les droits de douane perçus aux frontières extérieures sur les importations en provenance de pays tiers. A ces ressources que l’on appelle les ressources propres traditionnelles, s’ajoutaient les montants non dépensés de l'année précédente et les recettes directes de l'UE qui proviennent des impôts acquittés par son personnel, des amendes imposées aux entreprises pour infraction aux règles de concurrence, etc. Les recettes étaient complétées par un prélèvement sur la TVA (appliqué depuis 1979) qui consiste à transférer à la Communauté une proportion de la TVA perçue par les États membres (de l’ordre de 1%).

Au fil des années, le montant des ressources propres traditionnelles a diminué à mesure de la libéralisation des échanges commerciaux mondiaux négociée dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (ex : GATT). La baisse des droits de douane a ainsi a privé la Communauté européenne de sa principale ressource.

Pour y pallier, le Conseil européen de Bruxelles a décidé en février 1988 de créer une « quatrième ressource » calculé au prorata de la richesse des états. Il s’agit donc d’un prélèvement sur le PNB des Etats membres. La décision de 1988 précise également que l’ensemble des ressources propres ne peut excéder un plafond exprimé en pourcentage du total des PNB (4), des Etats membres: d'abord fixé à 1,15%, ce plafond a été porté à 1,24%.

Dès lors, la progression du budget communautaire se trouve entravée, alors que paradoxalement on demande à l’Union européenne d’intervenir dans des domaines croissants, et cette progression est dépendante des contributions nationales par le biais de la « ressource RNB ». La conséquence est connue : on brocarde l’impuissance de l’Union européenne, et les états, cyniquement, peuvent lui reprocher des insuffisances dont ils sont la cause tout en dénonçant (vieille recette démagogique) le « coût » excessif de cette Union et en réclamant un « juste retour » qui est l’antithèse de l’esprit communautaire. On connaît en effet cette pratique qui consiste pour les dirigeants d’un pays à comparer ce qu’il reçoit de l’UE à sa contribution au budget communautaire et à s’indigner bruyamment devant son opinion publique que les deux ne coïncident pas (au moins) (5).  Et, alors que le budget pour 2011 est en négociation et que les futures  perspectives financières pour la période 2014-2020 vont l’être également, certains Etats membres demandent une réduction de leur contribution aux prochains budgets communautaires (6).

La solution semble donc évidente : il faut revenir à un système de ressources propres. Mais comme il n’est pas possible de compter sur le produit des droits de douane, la question est de savoir par quoi les remplacer.

 

A la recherche de nouvelles ressources propres

L’ accord interinstitutionnel du 17/05/2006 a fixé le cadre financier pluriannuel en cours 2007-2013 après des négociations ardues qui n’ont abouti à un accord que grâce à l’insertion d’une clause prévoyant une réforme d’ensemble du système budgétaire communautaire couvrant tous les aspects des dépenses de l’UE, y compris la PAC, et des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni (le rabais obtenu par Madame Thatcher). Cette réforme doit avoir lieu à l’occasion de la discussion et de l’adoption des prochaines perspectives financières.

Le commissaire européen au budget, Janusz Lewandowski, a troublé la tranquillité estivale en proposant un impôt européen. Ce n‘est qu’une des pistes possibles, la Commission européenne étudiant actuellement différentes options comme une taxe sur les transactions financières, un prélèvement sur le transport aérien, une taxe sur les émissions de CO2. Du côté des eurodéputés on réfléchit aussi .

Parmi eux, le Président de la commission des budgets du Parlement européen, le député Alain Lamassoure. Dans un article du 29/03/2010, celui-ci propose trois pistes : la TVA paraît « la solution la plus simple sur le plan technique et, sans doute, également sur le plan politique » estime-t-il, en expliquant : «  Il suffirait de dire, par exemple, que le taux de base français passe de 19,6% à 17,6%, en donnant à l’Union (Conseil et Parlement) le droit de lever jusqu’à 2 points de TVA ». (7) En contrepartie, la contribution du budget national au budget communautaire serait supprimée

Une autre solution (celle qui serait certainement « la plus populaire chez les citoyens ») serait d’affecter au budget communautaire une part des ressources tirées de l’imposition des bénéfices. Alain Lamassoure souligne qu’elle « présuppose une condition politique qui ajoute à la fois un intérêt et une difficulté : car elle ne serait possible qu’une fois réalisé le préalable de l’harmonisation des bases de l’impôt, de la définition du bénéfice imposable. Le travail technique préalable a été fait par la Commission européenne après dix ans d’efforts. La parole est désormais aux politiques. Les pays favorables à la « concurrence fiscale » ne peuvent pas sérieusement s’opposer à une réforme qui rendrait cette concurrence loyale et transparente, ce qu’elle n’est guère aujourd’hui ».

Enfin la troisième piste qui pourrait être explorée est celle d’une fiscalité « verte ».

L’idée d’un impôt européen pourrait s’imposer malgré les réticences et les chamailleries des états si les citoyens y voyaient l’occasion d’avoir un contrôle sur les finances de l'UE dans la mesure où leur contribution au budget communautaire serait visible, ce qui n’est pas le cas dans le système, opaque, de la contribution RNB.

Pour l’instant l’idée d’impôt européen est combattue par plusieurs états qui craignent de perdre de leur compétence fiscale. Mais l’alternative, la nécessité de faire des économies, n’est guère moins conflictuelle, car au détriment de quelle(s) politique(s) vont-elles devoir être faites ? Chaque état a son idée sur ce point et elles ne sont guère conciliables. Le contexte est donc difficile et faute d'accord entre les institutions, le Parlement peut très bien refuser de voter le budget.

 

29/09/2010


3 - Les dépenses d’administration représentent en 2010 6,4 % des dépenses globales , Budget 2010, volume 1, état général des recettes, p.2

4 – Le Produit National Brut a été remplacé en 2001 par le revenu National Brut comme indicateur de richesse : il correspond à la somme des produits intérieurs bruts (PIB) aux prix du marché, augmentée des revenus primaires nets versés par le reste du monde.

5 – Car bien évidemment cela ne fonctionne pas en sens contraire et la France, par exemple, ne s’est jamais plainte tant qu’elle a largement bénéficié des crédits de la Politique Agricole Commune.

6 – Voir, par exemple, Nicolas-Jean Brehon Le budget européen : "quelle négociation pour le prochain cadre financier de l’Union européenne ?" Fondation Shuman,  Questions d’Europe n°170 et 171, 31 mai 2010

7 – « Vers un impôt européen ? L’Europe en quête d’un vrai budget », Fondation Robert Schuman, Questions d’Europe n°164, 29/03/2010

 

 

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