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Le bogue de Microsoft face à la Commission européenne

 

Après ses déboires aux Etats-Unis, les ennuis de Microsoft se poursuivent dans l'Union Européenne. La société se voit sanctionnée pour violation des règles du droit communautaire de la concurrence. La Commission européenne réussira-t-elle là où la justice américaine a, semble-t-il, échoué ? Outre l'amende infligée à la firme, des mesures " correctives " lui ont été imposées.

 

Violations du droit communautaire de la concurrence

A la suite d'une plainte de l'entreprise Sun Microsystems, Microsoft faisait l'objet d'une enquête des services de la concurrence de la Commission sur des allégations de violation des dispositions du droit communautaire de la concurrence, qui interdisent les ententes et les abus de position dominante (article 82 du traité). Après cinq ans d'investigation, la conclusion de la Commission européenne est claire : Microsoft Corporation a enfreint les règles de concurrence communautaires en abusant de son quasi-monopole sur le marché des systèmes d'exploitation pour PC afin de restreindre la concurrence sur les marchés des systèmes d'exploitation pour serveurs de groupe de travail et des lecteurs multimédias (1). Les faits constatés par la Commission sont les suivants :" Microsoft a abusé de son pouvoir de marché en limitant, de propos délibéré, l'interopérabilité entre les PC Windows et les serveurs de groupe de travail de ses concurrents, et en liant la vente de son lecteur Windows Media (WMP) avec Windows, son système d'exploitation présent sur la quasi-totalité des PC dans le monde ". Ces pratiques illicites ont assuré à Microsoft position dominante sur le marché des systèmes d'exploitation pour serveurs de groupe de travail, avec pour conséquence, le risque d'une élimination pure et simple de la concurrence. D'ores et déjà, la Commission a pu constater un amoindrissement important de la concurrence sur le marché des lecteurs multimédias. La Commission relève que les abus commis par Microsoft, non seulement sont préjudiciables au jeu de la concurrence et aux consommateurs contraint de payer des prix plus élevés, faute de choix, mais également à l'innovation.

 

Une amende et des mesures correctives

Le comportement de Microsoft est qualifié par la Commission d' "abus très graves et continus " qui justifient une amende (qualifiée de " record " par certains medias) de 497.2 millions d'euros (2). Cependant, l'importance de cette sanction doit être relativisée et , comme on a pu l'écrire : " Que pèsent 500 millions de dollars d'amende dans la trésorerie d'un pareil géant ? 1% guère plus : un excès de puissance verbalisé au prix d'un excès de vitesse ! " (3). Mais la Commission ne s'est pas bornée à sanctionner Microsoft par une amende. Elle lui a également prescrit de modifier son comportement. Microsoft se voit imposer de divulguer à ses concurrents, dans un délai de 4 mois, les informations sur les interfaces nécessaires pour que leurs produits puissent dialoguer avec le système d'exploitation Windows. La société dispose également d'un délai de 90 jours pour proposer aux équipementiers (et aux utilisateurs finaux) une version de son système d'exploitation Windows sans le lecteur Windows Media, autrement dit, pour mettre fin à sa pratique des ventes liées. La Commission doit désigner un mandataire chargé de contrôler le respect par Microsoft de ces prescriptions.

 

Un "précédent solide"?

Selon le Commissaire chargé de la concurrence, M.Mario Monti, cette décision a pour but de créer un " précédent solide " (4) de nature à instruire sur le comportement que devra avoir, dorénavant, une entreprise jouissant d'un pouvoir important sur le marché. Cet avis n'est pas partagé par tous. Ainsi , par exemple, dans un article très caustique, Daniel Cohn-Bendit , député vert européen, et Frédéric Couchet se livrent à une critique en règle de la décision de la Commission qualifiée d' " effet d'annonce " proposant des remèdes " insignifiants " (5). Pour les auteurs de l'article, la concurrence ne pourra être effective que si les mesures suivantes sont prises : séparer matériel, système d'exploitation et applications ; permettre que d'autres sociétés puissent fournir des pilotes de périphériques (pour les matériels type cartes vidéo, lecteurs DVD...) et donner réellement au consommateur le choix quant aux logiciels qu'il veut acquérir. Après avoir rappelé l'alternative que représentent les logiciels libres (dont le système Linux est l'emblème), Daniel Cohn-Bendit et Frédéric Couchet posent une question dont la pertinence n'échappera pas au consommateur habitué des rayons de micro informatique des magasins : " Il est également permis de se demander pourquoi quatre ans d'enquête ont été nécessaires pour établir l'abus de position dominante de Microsoft ".

Pourtant, si les mesures décidées par la Commission européenne sont menées à terme, elle pourraient bien entamer la forteresse de Bill Gates. Car les ennuis juridiques auxquels elle est confrontée nuisent à son image de marque alors que les logiciles libres marquent des points.

La riposte de Microsoft est déjà organisée. La société a annoncé qu'elle saisirait le Tribunal de première instance d'un recours contre la décision de la Commission. Et elle a neutralisé un de ses concurrents les plus acharnés, en versant 1,95 milliard de dollars à Sun pour solder leurs contentieux et en engageant des partenariats techniques avec cette société afin de garantir une meilleure interopérabilité entre leurs produits respectifs (6).
 

8 avril 2004



 


1- Communiqué de presse de la Commission européenne du 24/03/2004

2- Il s'agit en effet de la plus forte amende imposée par la Commission à une seule entreprise pour infraction aux règles communautaires de concurrence. A titre de comparaison, le groupe chimique Hoffman-Laroche, avait été sanctionné par une amende de 462 millions d'euros en 2001 pour avoir participé à un cartel dans le secteur des vitamines. En matière d'abus de position dominante (ce qui est reproché à Microsoft) , la plus forte amende infligée jusque là était de 71 millions d'euros , amende à l'encontre de Tetra Pak, en 1991.

3- Jean-Louis Gombeaud : " Microsoft : le début de la fin ? ", Marianne n°362, semaine du 29/03 au 4/04/2004

4- Propos rapportés dans Le Monde.fr du 23/03/2004: " La Commission européenne veut imposer une amende record à Microsoft ",

5- Daniel Cohn-Bendit et Frédéric Couchet : " Le sacre de Microsoft, La Commission européenne fait les gros yeux à Microsoft et entérine son monopole ", Libération, 30/03/2004

6- Estelle Dumout : "Microsoft verse 1,95 milliard de dollars à Sun pour clore tous les contentieux ", ZDNet.fr, 02/04/2004

 

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