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Le pacte de stabilité chahuté - 2ème partie

 

Déjà au premier semestre 2003, un avertissement avait été adressé à l'Allemagne et à la France (5). En vain. S'agissant de la France, les chiffres du déficit et de la dette publique pour 2002, faisaient apparaître que le déficit des administrations publiques avait atteint 3,1 % du produit intérieur brut (PIB) et les prévisions budgétaires montraient que le plafond de 3% serait également dépassé en 2003. Un délai expirant au 3 octobre 2003 lui était donné pour prendre des mesures pour rétablir sa situation budgétaire.

En octobre, la Commission revient à la charge en recommandant au Conseil de constater la carence de la France. Elle observe que, loin de suffire, les mesures prises par la France ne parviendront pas à faire disparaître le déficit excessif non seulement en 2003, mais encore en 2004. La situation de l'Allemagne fait l'objet de conclusions analogues. La Commission propose aussi des solutions : la France et l'Allemagne sont autorisées à attendre 2005 pour respecter les critères du pacte, mais, en contrepartie, elles doivent réaliser des économies supplémentaires dès 2004 de telle sorte que leur déficit structurel (6)baisse, respectivement, de 1 % et 0,8 % du PIB (7). Enfin, la Commission préconise que dans les deux ans qui viennent, les deux pays soient placés sous tutelle de leurs partenaires et obligés de rendre des rapports réguliers sur l'état de leurs finances publiques.

Mais la France et l'Allemagne contestent l'avis de la Commission. Les efforts demandés leur semblent irréalistes eu égard à la faible croissance économique (8).

L'automne est jalonné de spéculations sur l'issue du conflit, la décision finale appartenant au Conseil des ministres de l'Union.

Le 25 novembre 2003, celui-ci rejette les recommandations de la Commission, la majorité requise pour constater l'existence de déficits excessifs n'ayant pas été atteinte (9). Dernier rebondissement : le 13/01/2004, la Commission annonce qu'elle attaque la décision du Conseil devant la Cour de Justice des Communautés européennes. Elle estime en effet que le refus du Conseil de poursuivre la procédure pour déficits excessifs constitue une violation du Pacte qu'elle, Commission, a pour rôle de faire respecter. Juridiquement, l'issue de la procédure est hasardeuse (le protocole sur les déficits excessifs dispose que le Conseil " peut " constater qu'il y a déficit excessif, ce qui signifie qu'il peut aussi ne pas le faire). La démarche de la Commission se justifie pourtant, car il lui faut éviter qu'il ne se crée un précédent dont d'autres états pourraient se prévaloir pour se délier de leurs obligations au regard du Pacte. Politiquement, c'est une crise importante entre deux institutions clés de l'Union (10) et entre les états eux-mêmes divisés entre partisans de l'orthodoxie et tenants d'un assouplissement des règles. Le Pacte de stabilité survivra-t-il à cette tourmente?
 

Quelles perspectives pour le Pacte ?

Dans la mesure où deux pays importants comme la France et l'Allemagne ne respectent pas le Pacte et ne sont pas inquiétés pour autant, on peut légitimement s'interroger sur l'avenir du Pacte. Depuis des mois les critiques ne lui sont pas ménagées. Jusqu'au Président de la Commission qui l'a qualifié de " stupide ". On lui reproche d'être trop rigide, d'imposer une politique restrictive en pleine stagnation, de n'être pas assez exigeant en période faste, d'être parfois peu clair…

Le 13/01/2004, la Commission a annoncé qu'elle allait présenter des propositions de réforme du Pacte de stabilité.

Une orientation serait de mieux prendre en compte le cycle économique. Les états devraient alors faire des économies et des réformes dans les périodes de croissance afin de constituer des réserves qui leur permettraient plus facilement de " tenir " leur budget dans les périodes moins fastes.

Une seconde orientation possible est de ne pas seulement focaliser les efforts sur un critère de convergence (le déficit public) mais d'accorder plus d'importance à d'autres indicateurs tel l'endettement public. Dans cette perspective, les pays dont l'endettement dépasse les 60% du PIB devraient être soumis à une discipline budgétaire plus stricte que les autres.

Dans l'attente, le Pacte continue d'être chahuté : le 28/01/2004, la Commission a fait savoir que des états, jusque là " vertueux ", risquent de dépasser les 3% en 2004 (11). Quant à la France, son programme budgétaire pour 2004 a été accueilli avec scepticisme: selon la Commission, il ne garantit pas le retour à un déficit inférieur à 3%, même à l'horizon 2005...

 


 

5 - Pour la France : Décision du Conseil 2003/487 du 3 juin 2003 sur l'existence d'un déficit excessif en France (Journal officiel n° L 165 du 03/07/2003). Pour l'Allemagne : Décision 2003/89/CE du Conseil relative à l'existence d'un déficit excessif en Allemagne (JO L34 du 11/2/2003)

6 - Déficit corrigé des effets conjoncturels

7 - Selon la Commission, ces pourcentages représentent 6 et 5,5 milliards d'euros.

8 - Et, en ce qui concerne la France, incompatibles avec les promesses électorales de baisse des impôts

9 - La France s'est cependant engagée à réduire son déficit de 0,77 point de PIB en 2004 et de 0,6 % en 2005, de façon à passer sous la barre des 3% en 2005, engagement également souscrit par l'Allemagne.

10 - D'autant que le président de la Banque Centrale Européenne menace la zone euro d'une hausse des taux en cas de dérive budgétaire. Le conseil des gouverneurs de la BCE a d'ailleurs immédiatement condamné la décision du Conseil dans une déclaration qui affirme que les "conclusions adoptées par le Conseil Ecofin recèlent de graves dangers…L'incapacité à se conformer aux règles et procédures prévues par le Pacte de stabilité et de croissance risque de compromettre la crédibilité du cadre institutionnel ainsi que la confiance dans la solidité des finances publiques des États membres de la zone euro" ; voir aussi : Adrien de Tricornot et Philippe Ricard: " La Banque centrale européenne accuse Paris et Berlin et évoque de "graves dangers" " Le Monde.fr, 26/11/2003

11 - Pays-Bas et Grande-Bretagne en particulier

 

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